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Protectorats

Ray Nayler (Auteur), Henri-Luc Planchat (Traducteur), Manchu (Illustrateur de couverture)
Langue d'origine : Anglais
Aux éditions : Collection :
Date de parution : 28/09/2023  -  livre
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Ray Nayler - Protectorats, un recueil uchronique varié et très réussi

Un nouvel auteur

Ray Nayler a fait parler de lui ces dernières années en publiant des nouvelles se déroulant pour la plupart dans le même univers, celui du protectorat, basé à Istanbul sous protection d’une Amérique qui a gagné la seconde guerre mondiale contre Hitler, puis Staline… Ce recueil concocté par les éditions du Bélial s’appellera donc Protectorats.

Un autre monde

On commence avec Mélopée pour Hazan où une scientifique, Hazan, tente d’observer le passé en projetant sa conscience à travers la Simultanéité via la création du « connectome ». Elle est aidée par son collègue Baris Burakgazi, narrateur de l’histoire. Obsédée par la part sombre de l’histoire, Hazan ne veut observer que des drames comme la prise de Budapest par l’armée rouge en janvier 1945. Elle le paiera… c’est très réussi, comme Père : un enfant grandit sans son père tué au combat face aux Russes. Un jour, un robot débarque chez lui. Il a été fabriqué pour jouer le rôle de son père et le fait vite très bien. Jusqu’à ce qu’une bande de loubards fasse des siennes… On y découvre que Ray Nayler sait aussi doter ses personnages d’une psychologie fouillée.

Une guerre qui hante

Avec Les boucles de désintégration, on découvre comment les Etats-Unis l’ont emporté contre le IIIe Reich et l’URSS : ils ont mis la main sur des technologies extraterrestres trouvées en 1938 dans une soucoupe volante. Sylvia, scientifique qui a travaillé dans l’unité d’Hedy Lamarr (visiblement, cette star de cinéma a réussi dans cet univers a trouvé une place plus conforme à son intelligence) aidée d’Alvin doit pénétrer dans la mémoire d’un homme mort. On retrouve le duo avec Une fusée pour Dimitrios : L’action se déroule à Istanbul, à la recherche du site où une autre soucoupe est tombée. Elle doit pénétrer dans l’esprit de du défunt, Dimitrios, afin de trouver cette localisation. Mais certains aux Etats-Unis redoutent que leur pays accroisse son avance en trouvant d’autres artefacts extraterrestres (dont une certaine Eleanor Roosevelt) et essaient de la persuader de ne rien dire une fois trouvé ce lieu… de l’uchronie passionnante !

 

Des thèmes variés

 

Ray Nayler est très à l’aise dans les variations temporelles. Il en est ainsi dans Mutabilité où un homme et une femme se rencontrent. Elle a chez elle une photo où ils sont ensemble. Et La photo a près de quatre cents ans… Avec Sarcophage, il aborde le thème de l’exploration spatiale : un homme est téléchargé sur une autre planète, seul (alors qu’il devait faire partie d’un groupe) sur une station où se trouvent des corps vides. Il tente de survivre au froid tout en étant pourchassé par une autre créature avec qui il partage, sans le savoir, beaucoup. La chute est excellente. Avec Les Yeux de la forêt, on voit l’installation d’une colonie humaine au sein une immense forêt, potentiellement mortelle pour les humains… Sauf pour certains. L’histoire tourne autour d’une jeune fille, Sedef, qui doit survivre dans la forêt et communiquer avec elle, sous l’égide de son mentor surnommée « Mutilée par erreur ». Ray Nayler en profite pour développer la vision d’une biodiversité avec laquelle il faut vivre (et non pas domestiquer). On trouve l’écho de ces préoccupations avec Les hirondelles de papier : une scientifique est auditionnée par le congrès suite aux visites effectués par des mystérieux « essaims » sur Terre. Et si quelque chose essayait de se documenter sur nous avant notre extinction ?

 

 

Il revient à l’univers du Protectorat avec L’hiver en partage où des agents dans des « vacants », c’est-à-dire des corps occupé par d’autres, se retrouvent à Istanbul pour se détendre entre deux missions. Avec Le réparateur de moineaux, Ray Nayler va sur les terres de Greg Egan. Himmet s’occupe de moineaux et voit un certain Tarik débarquer pour lui réclamer un oiseau dans laquelle vit la conscience d’un homme (les oiseaux servent aussi de vacants), en fait un doublon. Et Himmet prend conscience qu’il est lui-même la réplique d’un homme mort : qui est-il ? La frontière entre l’humain et l’artificiel est très poreuse, comme dans La mort de la caserne de pompiers n°10 : une IA se souvient de la mort potentielle de celle qui régissait la caserne des pompiers numéro 10… Finalement téléchargé dans le corps d’un moineau car les hommes en finissent par respecter cette vie qu’ils ont créé.

 

Et un dernier pour la route

 

Terminons avec Les Enfants d’Evrim : une jeune fille est élevée par Evrim, un androïde, dans un vaisseau spatial en route pour une planète extérieure. Elle découvre des corps congelés et Evrim lui raconte l’histoire du voyage, comment ils ont été percutés par les débris d’un corps céleste, tuant l’équipage, comment aussi, en prélevant spermatozoïdes et ovules, il a réussi à la créer « elle » (sans lui dire qu’il y a eu beaucoup d’essais). Voici une nouvelle très prenante, une des meilleures du recueil. On attend désormais beaucoup de Ray Nayler dont le premier roman est annoncé au Bélial : chouette !

 

 

Sylvain Bonnet

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