R.L. STEVENSON - L'Etrange Cas du Dr Jekyll et de M. Hyde
Modérateurs : Eric, jerome, Jean, Travis, Charlotte, tom, marie.m
Ce n'est pas la première fois que je bondis, ici, en lisant que tel ou tel classique a mal vieilli. En ce qui me concerne, j'ai lu cette nouvelle quand j'avais 17 ans, d'une traite, avec un plaisir rare. Je m'en souviens assez pour avoir la naïveté de croire que je le relirais aujourd'hui avec le même enthousiasme. Pour moi, elle appartient justement à la catégorie rare des classiques qui n'ont rien perdu de leur force, en dépit de leur statut mythique. D'un autre temps, d'un autre style, Frankenstein, de Mary Shelley, est dans le même cas. Lisez Stevenson, lisez "L'Etrange Cas du Dr Jekyll et de M. Hyde", vous serez sans doute surpris, parce que les nombreuses adaptations cinématographiques ont bâti autour quelque chose de plus vaste, mais vous ne serez pas déçu.Nébal a écrit :Mais peut-on encore aujourd’hui s’enthousiasmer à la lecture de cette longue nouvelle ? Ici, je serais beaucoup plus réservé… Ce ne fut pas mon cas, quoi qu’il en soit. Je ne regrette pas d’avoir lu ce qu’il convient bien d’appeler un monument du genre, en raison même de ce statut, mais n’en ferais pas une lecture recommandable ou encore moins indispensable. Parce que ce livre aussi, à l’instar de son personnage-titre, a sa malédiction : celle d’être trop connu.
« Je dis rarement, malheureusement, des choses exactes. » (Georges Limbour)
C'est aussi l'impression que j'ai.Shagmir a écrit :Ce n'est pas la première fois que je bondis, ici, en lisant que tel ou tel classique a mal vieilli. En ce qui me concerne, j'ai lu cette nouvelle quand j'avais 17 ans, d'une traite, avec un plaisir rare. Je m'en souviens assez pour avoir la naïveté de croire que je le relirais aujourd'hui avec le même enthousiasme. Pour moi, elle appartient justement à la catégorie rare des classiques qui n'ont rien perdu de leur force, en dépit de leur statut mythique. D'un autre temps, d'un autre style, Frankenstein, de Mary Shelley, est dans le même cas. Lisez Stevenson, lisez "L'Etrange Cas du Dr Jekyll et de M. Hyde", vous serez sans doute surpris, parce que les nombreuses adaptations cinématographiques ont bâti autour quelque chose de plus vaste, mais vous ne serez pas déçu.Nébal a écrit :Mais peut-on encore aujourd’hui s’enthousiasmer à la lecture de cette longue nouvelle ? Ici, je serais beaucoup plus réservé… Ce ne fut pas mon cas, quoi qu’il en soit. Je ne regrette pas d’avoir lu ce qu’il convient bien d’appeler un monument du genre, en raison même de ce statut, mais n’en ferais pas une lecture recommandable ou encore moins indispensable. Parce que ce livre aussi, à l’instar de son personnage-titre, a sa malédiction : celle d’être trop connu.
En revanche, Le chateau d'Otrante, lu lorsque je devais avoir 20 ans, sur la suggestion d'un prof de fac, m'avait considérablement déçu(une relcture il y a quelques années n'a pas changé mon point de vue). D'où mes remarques à la critique de Nebal;
Le Stevenson m'a toujours paru absolument extraordinaire (d'où mon étonnement). J'aime bien le Shelley, mais il me fascine tout de même moins.
Dans les textes bien plus anciens, dont le style (sic) n'a plus grand rapport avec ce que nous connaissons aujourd'hui, je navigue avec délice dans L'Icosaméron de Casanova, et dans pas mal de textes de Restif de La Bretonne (dont Les Posthumes). Cependant, j'admets qu'il faut se jeter dedans, prendre les temps de s'imprégner de la manière dont c'est écrit, raisonner (presque) dans un autre monde. Ce ne sont pas des lectures "immédiates".
Oncle Joe
Modifié en dernier par Lensman le mar. sept. 28, 2010 10:52 am, modifié 1 fois.
Mais je n'ai pas écrit qu'il avait mal vieilli ! Simplement deux choses :
- J'ai consacré deux lignes (!) de mon misérable compte rendu au style qui, en VO, m'a fait peiner quelque peu ; c'est que mon anglais n'est sans doute pas brillant, je plaide coupable... Mais, justement, tonton parlait du Château d'Otrante : là, je n'avais pas du tout rencontré cette impression, alors qu'il s'agissait d'un texte bien plus ancien, et fait pour sonner encore plus ancien. Comme quoi ce n'est pas l'âge en tant que tel qui est en cause, mais peut-être bien une période particulière - comme l'a éventuellement souligné JDB - ou un style particulier, propre à l'auteur, et qui ne me touche pas.
- Ensuite, j'ai simplement fait part de mon ennui : ben oui, moi, je, me, myself, I, je me suis ennuyé à la lecture de The Strange Case of Dr Jekyll & Mr Hyde. Là où je ne me suis pas ennuyé à la lecture du Château d'Otrante ou de Frankenstein, pour citer d'autres oeuvres évoquées dans ce fil. Et je pense que cela tient pour une bonne part, toutes choses égales par ailleurs, et le style mis à part, au fait que cette histoire est aujourd'hui, d'une certaine manière, "trop connue". Un lecteur d'aujourd'hui connaît l'histoire avant même d'ouvrir le livre (dans l'édition que j'ai lue, la quatrième de couv' balance le machin, et j'imagine que c'est le cas de manière générale), contrairement ('fin, je suppose... mais c'est une question que je me suis posé... ?) au lecteur contemporain de Stevenson. Et la nouvelle étant bâtie sur le principe de la révélation, elle perd de sa force - du moins je trouve - dès l'instant que le mystère n'en est plus un, que "l'étrange affaire" n'a plus rien "d'étrange" - ou presque. C'est le problème du roman policier dont on connaît déjà le coupable : ça peut toujours être intéressant de voir comment le flic va se débrouiller pour coincer le meurtrier, mais si c'est spécifiquement prévu pour ; je n'ai pas l'impression que ce soit le cas ici, ou du moins, si c'est le cas - ce qui est possible après tout - ça n'a pas fonctionné sur moi. C'est donc dans un sens pour des raisons indépendantes du texte que celui-ci ne produit probablement plus le même effet aujourd'hui qu'auparavant. Mais c'est, bien évidemment, un avis qui n'engage que moi. Et - comme je l'ai bien précisé dans mon compte rendu - cela n'enlève rien au génie de Stevenson, toutes choses égales par ailleurs. Seulement, à mon sens, et pour des raisons extérieures, donc - c'est en cela que je parlais de "malédiction" -, cela confère surtout un intérêt historique à cette nouvelle - ce que disait Oncle Joe du Château d'Otrante sans que cela ne choque personne...
- J'ai consacré deux lignes (!) de mon misérable compte rendu au style qui, en VO, m'a fait peiner quelque peu ; c'est que mon anglais n'est sans doute pas brillant, je plaide coupable... Mais, justement, tonton parlait du Château d'Otrante : là, je n'avais pas du tout rencontré cette impression, alors qu'il s'agissait d'un texte bien plus ancien, et fait pour sonner encore plus ancien. Comme quoi ce n'est pas l'âge en tant que tel qui est en cause, mais peut-être bien une période particulière - comme l'a éventuellement souligné JDB - ou un style particulier, propre à l'auteur, et qui ne me touche pas.
- Ensuite, j'ai simplement fait part de mon ennui : ben oui, moi, je, me, myself, I, je me suis ennuyé à la lecture de The Strange Case of Dr Jekyll & Mr Hyde. Là où je ne me suis pas ennuyé à la lecture du Château d'Otrante ou de Frankenstein, pour citer d'autres oeuvres évoquées dans ce fil. Et je pense que cela tient pour une bonne part, toutes choses égales par ailleurs, et le style mis à part, au fait que cette histoire est aujourd'hui, d'une certaine manière, "trop connue". Un lecteur d'aujourd'hui connaît l'histoire avant même d'ouvrir le livre (dans l'édition que j'ai lue, la quatrième de couv' balance le machin, et j'imagine que c'est le cas de manière générale), contrairement ('fin, je suppose... mais c'est une question que je me suis posé... ?) au lecteur contemporain de Stevenson. Et la nouvelle étant bâtie sur le principe de la révélation, elle perd de sa force - du moins je trouve - dès l'instant que le mystère n'en est plus un, que "l'étrange affaire" n'a plus rien "d'étrange" - ou presque. C'est le problème du roman policier dont on connaît déjà le coupable : ça peut toujours être intéressant de voir comment le flic va se débrouiller pour coincer le meurtrier, mais si c'est spécifiquement prévu pour ; je n'ai pas l'impression que ce soit le cas ici, ou du moins, si c'est le cas - ce qui est possible après tout - ça n'a pas fonctionné sur moi. C'est donc dans un sens pour des raisons indépendantes du texte que celui-ci ne produit probablement plus le même effet aujourd'hui qu'auparavant. Mais c'est, bien évidemment, un avis qui n'engage que moi. Et - comme je l'ai bien précisé dans mon compte rendu - cela n'enlève rien au génie de Stevenson, toutes choses égales par ailleurs. Seulement, à mon sens, et pour des raisons extérieures, donc - c'est en cela que je parlais de "malédiction" -, cela confère surtout un intérêt historique à cette nouvelle - ce que disait Oncle Joe du Château d'Otrante sans que cela ne choque personne...
Hop : Cédric FERRAND, Wastburg
J'aurais tendance à être d'accord avec Lensman et Shagmir.
Après une première lecture à la pré-adolescence, comme tout le monde, j'ai relu le texte récemment (enfin, il y a quatre ans) et il m'a assez intéressé pour me vider la tête pendant mes pauses-déjeuner...
Et je n'ai eu aucun mal avec le style, mais c'était en traduction - je peux donc juste dire qu'il m'a semblé dans la lignée des écrivains anglais de la fin dix-neuvième et du début vingtième, qui portent plus d'attention à la dramaturgie et à l'ambiance qu'aux longues descriptions fastidieuses (je pense à Wells ou James).
L'aspect "policier" ne m'a pas semblé central, dans la mesure où l'on devine assez vite à quoi s'en tenir, et que tout l'intérêt pour celui qui connaît les interminables déclinaisons du mythe tient donc à la façon dont Stevenson va faire évoluer la situation.
Mais bon, je suis de ceux qui ne pleurent pas quand on leur dit la fin des livres (un roman, ce n'est pas qu'une intrigue, bon Dieu ! ^_^)...
Au passage, je signale que l'adaptation la plus fidèle au roman et à sa construction particulière est dû à Jean Renoir : "Le Testament du docteur Cordelier", avec un Jean-Louis Barrault extraordinaire dans le rôle-titre, et dans celui de monsieur Opale (Renoir n'a changé que les noms et les lieux ou presque, pour des raisons de droit je crois).
(Sinon, je ne me suis pas ennuyé non plus à lire "Frankenstein", comme tout le monde ici - et je trouve aussi que "Dracula" a très bien vieilli, si l'on passe sur le romantisme chrétien qui imprègne l'oeuvre...)
Après une première lecture à la pré-adolescence, comme tout le monde, j'ai relu le texte récemment (enfin, il y a quatre ans) et il m'a assez intéressé pour me vider la tête pendant mes pauses-déjeuner...
Et je n'ai eu aucun mal avec le style, mais c'était en traduction - je peux donc juste dire qu'il m'a semblé dans la lignée des écrivains anglais de la fin dix-neuvième et du début vingtième, qui portent plus d'attention à la dramaturgie et à l'ambiance qu'aux longues descriptions fastidieuses (je pense à Wells ou James).
L'aspect "policier" ne m'a pas semblé central, dans la mesure où l'on devine assez vite à quoi s'en tenir, et que tout l'intérêt pour celui qui connaît les interminables déclinaisons du mythe tient donc à la façon dont Stevenson va faire évoluer la situation.
Mais bon, je suis de ceux qui ne pleurent pas quand on leur dit la fin des livres (un roman, ce n'est pas qu'une intrigue, bon Dieu ! ^_^)...
Au passage, je signale que l'adaptation la plus fidèle au roman et à sa construction particulière est dû à Jean Renoir : "Le Testament du docteur Cordelier", avec un Jean-Louis Barrault extraordinaire dans le rôle-titre, et dans celui de monsieur Opale (Renoir n'a changé que les noms et les lieux ou presque, pour des raisons de droit je crois).
(Sinon, je ne me suis pas ennuyé non plus à lire "Frankenstein", comme tout le monde ici - et je trouve aussi que "Dracula" a très bien vieilli, si l'on passe sur le romantisme chrétien qui imprègne l'oeuvre...)
C'est une transposition fidèle, et Barrault est étonnant (mais c'est Barrault...). Je ne suis pourtant pas tout à fait convaincu par ce film, même si c'est un classique à voir absolument. Je préfère certaines adaptations plus "officielles", dont celle Fleming en 1941 avec Spencer Tracy (même si les commentaires à l'extrême fin dénature l'histoire, Spencer Tracy est absolument fabuleux... et c'est un film qui m'a terrorisé, gamin, quand je l'ai vu à la télé pour la première fois, recoquevillé sur la banquette familiale..)NeF a écrit : Au passage, je signale que l'adaptation la plus fidèle au roman et à sa construction particulière est dû à Jean Renoir : "Le Testament du docteur Cordelier", avec un Jean-Louis Barrault extraordinaire dans le rôle-titre, et dans celui de monsieur Opale (Renoir n'a changé que les noms et les lieux ou presque, pour des raisons de droit je crois).
Oncle Joe
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Je plussoie Joe : poure moi aussi, LE "Jekyll et Hyde" à l'écran, c'est Spencer Tracy.
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