Olivier Paquet - Le Melkine
Posté : lun. févr. 04, 2013 12:17 am
Il serait malaisé de résumer l'intrigue d'un roman dont les péripéties et les situations ne suivent pas une logique unique. L'histoire du Melkine n'est pas organisée autour d'un problème à résoudre, d'un ennemi à abattre, de vies à sauver. On trouve bien des héros, mais ils réfléchissent, plutôt qu'ils n'agissent, et une grande méchante, mais elle arrive à ses fins par la diplomatie, la manipulation et la propagande, et non par les armes et la menace.
Dans l'avenir du Melkine, la guerre spatiale est devenue culturelle. La colonisation d'une planète suit des principes très stricts, pour garantir la stabilité du développement par l'homogénéité culturelle des habitants. L'un des fondements de l'univers envisagé par Olivier Paquet est cette idée d'un conditionnement culturel imposé dès la naissance à l'échelle d'une planète. C'est l'équivalent en termes de société du concept de terraformation. Je ne connais pas d'autre tentative d'explication d'une tendance ancienne du space opera, qui associe une seule culture à toute une planète (en même temps, bien souvent, qu'un seul climat...). Au-dessus des conditionnements planétaires, on trouve la structure des Fréquences, les relais d'information qui associent des systèmes planétaires entre eux. Ce sont surtout les Fréquences qui rivalisent d'hostilité entre elles, quand commence l'action. J'avais beaucoup aimé la nouvelle de Destination Univers montrant comment le conditionnement culturel pouvait devenir un danger, et j'ai un peu regretté de ne pas avoir plus de situations impliquant ces conditionnements eux-mêmes : ils sont le plus souvent placés à l'arrière-plan.
Les personnages principaux cherchent tous à lutter à leur manière contre le principe même du conditionnement, aussi bien les professeurs du Melkine que la technoprophète Azuréa, maîtresse de Banquise, la Fréquence la plus agressive.
Le Melkine représente la voie la plus paisible : un gigantesque vaisseau itinérant, qui rend visite à toutes les planètes selon un rythme aléatoire, pour recueillir ceux qui résistent à leur conditionnement, et les en libérer. Les prétentions de ce vaisseau-université sont, quand on y réfléchit bien, immenses : on y apprend à être libre. Ne plus subir de conditionnement, c'est pouvoir penser librement . Une grande partie du récit nous fait ainsi suivre les leçons de certains professeurs du Melkine - les leçons les plus intéressantes étant sans doute celles que donnent les extraterrestres de Babil-One, dont l'empathie exacerbée incite en fait chacun à examiner ce qu'il désire vraiment.
Il me semble néanmoins assez évident que la liberté de pensée professée par le Melkine est bien trop déconnectée de toute capacité d'action pour vraiment menacer le système du conditionnement culturel : au contraire, il ne fait que le renforcer. S'il n'y avait que le Melkine, il n'y aurait pas de crise. Celle-ci met assez longtemps à vraiment se produire : on sent que l'auteur tient à ce que nous fassions un bon bout de chemin avec les gens du Melkine, pour que nous nous imprégnions de leur philosophie particulière. Mais le personnage le plus intéressant du vaisseau est, à mes yeux, justement celui qui a le plus envie d'en sortir, Ismaël, le seul qui soit vraiment "libre", car prémuni depuis sa naissance de tout conditionnement culturel. Paradoxalement, c'est le plus achevé, en théorie, des produits du Melkine qui devient une sorte de point faible : le vaisseau-université ne lui suffit pas. Assez logiquement, sa curiosité le rend vulnérable aux manipulations d'Azuréa.
En un sens, le véritable moteur du roman est cette technoprophète, qui cherche à dominer tous les systèmes planétaires et à enrôler le Melkine dans sa croisade. Comme tous les conquérants, elle veut détruire le feu par le feu : une Fréquence pour mettre fin à toutes les Fréquences, en quelque sorte.
J'avais déjà remarqué avec Les Loups de Prague qu'Olivier Paquet insuffle un style "Manga" dans ses textes. ça touche aussi bien la caractérisation des personnages que le rythme de la narration, ou les inventions visuelles. Le côté manga marche bien avec moi : j'ai retrouvé un peu d'Albator et de Galaxy Express 999 dans Le Melkine, d'excellents souvenirs de la SF de mon enfance. Albator, parce que le Melkine est un de ces grands vaisseaux symboliques qui, à eux tous seuls, incarnent l'esprit de résistance contre tout un empire, ici l'Empire des fréquences, et plus particulièrement Banquise. Galaxy Express, à cause de cet arrière-plan de planètes curieuses que l'on rencontre au cours de la lecture, ces planètes isolées à cause de leurs conditionnement culturels respectifs. Maintenant que ce décor est planté, l'action peut passer à un autre niveau, avec la future Mort du Melkine...
Dans l'avenir du Melkine, la guerre spatiale est devenue culturelle. La colonisation d'une planète suit des principes très stricts, pour garantir la stabilité du développement par l'homogénéité culturelle des habitants. L'un des fondements de l'univers envisagé par Olivier Paquet est cette idée d'un conditionnement culturel imposé dès la naissance à l'échelle d'une planète. C'est l'équivalent en termes de société du concept de terraformation. Je ne connais pas d'autre tentative d'explication d'une tendance ancienne du space opera, qui associe une seule culture à toute une planète (en même temps, bien souvent, qu'un seul climat...). Au-dessus des conditionnements planétaires, on trouve la structure des Fréquences, les relais d'information qui associent des systèmes planétaires entre eux. Ce sont surtout les Fréquences qui rivalisent d'hostilité entre elles, quand commence l'action. J'avais beaucoup aimé la nouvelle de Destination Univers montrant comment le conditionnement culturel pouvait devenir un danger, et j'ai un peu regretté de ne pas avoir plus de situations impliquant ces conditionnements eux-mêmes : ils sont le plus souvent placés à l'arrière-plan.
Les personnages principaux cherchent tous à lutter à leur manière contre le principe même du conditionnement, aussi bien les professeurs du Melkine que la technoprophète Azuréa, maîtresse de Banquise, la Fréquence la plus agressive.
Le Melkine représente la voie la plus paisible : un gigantesque vaisseau itinérant, qui rend visite à toutes les planètes selon un rythme aléatoire, pour recueillir ceux qui résistent à leur conditionnement, et les en libérer. Les prétentions de ce vaisseau-université sont, quand on y réfléchit bien, immenses : on y apprend à être libre. Ne plus subir de conditionnement, c'est pouvoir penser librement . Une grande partie du récit nous fait ainsi suivre les leçons de certains professeurs du Melkine - les leçons les plus intéressantes étant sans doute celles que donnent les extraterrestres de Babil-One, dont l'empathie exacerbée incite en fait chacun à examiner ce qu'il désire vraiment.
Il me semble néanmoins assez évident que la liberté de pensée professée par le Melkine est bien trop déconnectée de toute capacité d'action pour vraiment menacer le système du conditionnement culturel : au contraire, il ne fait que le renforcer. S'il n'y avait que le Melkine, il n'y aurait pas de crise. Celle-ci met assez longtemps à vraiment se produire : on sent que l'auteur tient à ce que nous fassions un bon bout de chemin avec les gens du Melkine, pour que nous nous imprégnions de leur philosophie particulière. Mais le personnage le plus intéressant du vaisseau est, à mes yeux, justement celui qui a le plus envie d'en sortir, Ismaël, le seul qui soit vraiment "libre", car prémuni depuis sa naissance de tout conditionnement culturel. Paradoxalement, c'est le plus achevé, en théorie, des produits du Melkine qui devient une sorte de point faible : le vaisseau-université ne lui suffit pas. Assez logiquement, sa curiosité le rend vulnérable aux manipulations d'Azuréa.
En un sens, le véritable moteur du roman est cette technoprophète, qui cherche à dominer tous les systèmes planétaires et à enrôler le Melkine dans sa croisade. Comme tous les conquérants, elle veut détruire le feu par le feu : une Fréquence pour mettre fin à toutes les Fréquences, en quelque sorte.
J'avais déjà remarqué avec Les Loups de Prague qu'Olivier Paquet insuffle un style "Manga" dans ses textes. ça touche aussi bien la caractérisation des personnages que le rythme de la narration, ou les inventions visuelles. Le côté manga marche bien avec moi : j'ai retrouvé un peu d'Albator et de Galaxy Express 999 dans Le Melkine, d'excellents souvenirs de la SF de mon enfance. Albator, parce que le Melkine est un de ces grands vaisseaux symboliques qui, à eux tous seuls, incarnent l'esprit de résistance contre tout un empire, ici l'Empire des fréquences, et plus particulièrement Banquise. Galaxy Express, à cause de cet arrière-plan de planètes curieuses que l'on rencontre au cours de la lecture, ces planètes isolées à cause de leurs conditionnement culturels respectifs. Maintenant que ce décor est planté, l'action peut passer à un autre niveau, avec la future Mort du Melkine...