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Science-fiction et vulgarisation scientifique

Posté : lun. juil. 14, 2008 11:31 am
par systar
Un ami travaille en thèse sur "les enjeux politiques de la vulgarisation scientifique". Grosso modo, ce sont des questions du genre: pour bien voter, faut-il être au point en sciences?

Au cours d'une discussion, il m'a demandé si la science-fiction pouvait relever de la vulgarisation scientifique, si elle l'avait fait sciemment, ou s'il y avait trop d'invention pour qu'on puisse parler de vulgarisation de thèses scientifiques rigoureuses.

Plutôt que de partir dans des réponses abstraites, sur ce que la SF "devrait" faire, je vous propose de réagir, de répondre par des noms, des oeuvres, des exemples, à la question posée.

Je reproduis aussi l'une de ses questions, en laissant à chacun (et notamment aux auteurs qui fréquentent le forum, s'ils veulent bien témoigner de leur propre démarche) le soin de répondre ce qu'il en pense:
"En outre, je me demandais si on trouvait chez les auteurs de SF cette conviction typique des Lumières et présente chez de nombreux vulgarisateurs que l'émancipation passe par l'appropriation de la science."

Et je commence par ouvrir le bal des réponses: j'avais spontanément indiqué des noms comme Greg Egan (Cité des Permutants, Enigme de l'Univers), des gens comme Bear, Benford... Baxter, sans doute aussi (mais lui je ne l'ai pas lu).
Mais ce que je ne sais pas, c'est si ces auteurs construisent leur oeuvre en SF uniquement parce qu'ils y trouvent le cadre conceptuel et esthétique adéquat pour raconter une histoire, ou s'ils ont vraiment derrière la tête l'idée de vulgariser la science, de refourguer en douce au lecteur des infos scientifiques.

A vous les amis, et merci d'avance de la part de Frank (l'ami en question) pour vos réponses.

Posté : lun. juil. 14, 2008 11:58 am
par Stéphane
Comme auteur qui vulgarise bien, j'aurais cité Neal Stephenson. Cela dit, je me demande si ce n'est pas dans ses œuvres hors SF qu'il vulgarise le plus (Cryptonomicon, Zodiac...).

Posté : lun. juil. 14, 2008 11:59 am
par Erion
Avant d'invoquer Egan et autres, ce serait bien de revenir aux fondamentaux : Verne, Gernsback, Asimov, etc. Surtout pour une thèse, on est beaucoup plus certain de trouver des sources fiables et un corpus solide en revenant à ces auteurs plutôt qu'en parlant d'Egan, Bear, Benford. Surtout pour une thèse, où la bibliographie est presque aussi importante que le contenu (et c'est pas peu dire que les jurys explorent les bibliographies jusqu'à la moindre faille).

Posté : lun. juil. 14, 2008 12:04 pm
par Seb
"En outre, je me demandais si on trouvait chez les auteurs de SF cette conviction typique des Lumières et présente chez de nombreux vulgarisateurs que l'émancipation passe par l'appropriation de la science."
En gros, il s'agit de déterminer si l'homme peut "conquérir" une certaine forme de liberté en acquérant de lui-même et de l'univers dans lequel il évolue une connaissance plus profonde ? C'est ça ? J'ai bon là ?

Sinon j'aurais effectivement cité Egan (encore que la vulgarisation ne soit pas toujours évidente. La plongée de Planck dans Radieux m'avait complétement laissé au bord de la route.) . Sans doute Clarke, bien que j'ai pas mis le nez dedans depuis un bail. Hmm... Vinge avec Rainbows End et Sterling. Baxter bien sûr.

Posté : lun. juil. 14, 2008 12:07 pm
par dracosolis
la sf campbellienne bien sûr l'a fait sciemment mais là, Eric Picholles sera de bien plus grand secours que moi.

par ailleurs qu'est ce que ton essayiste colle dans "science" ?
Est-ce qu'il y fait rentrer des matières telles que la sociologie (tout un tas d'auteurs des années 70; Brunner par exemple sur l'onde de choc) ou la linguistique (Babel 17 delany).

sinon pour répondre modestement à la question posée aux auteurs :
je me demandais si on trouvait chez les auteurs de SF cette conviction typique des Lumières et présente chez de nombreux vulgarisateurs que l'émancipation passe par l'appropriation de la science."
Oui
et ce n'est pas ma seule conception en direct live des Lumières évidemment.

mais ce n'est pas le ressort principal de mes histoires.



je ne tiens pas "à fourguer quoi que ce soit en douce", pour commencer.
(juste mon bouquin, pour 8 euros, j'ai faim et gremlin veut un nouvel ordinateur ,merci :wink: )

ma démarche n'est pas de donner une leçon mais de partager une question (à laquelle je ne réponds jamais ou presque, et seulement de façon individuelle si c'est le cas, et ça j'y tiens parce que j'ai pas vocation à jouer les porte- "bonne parole")



je fais attention à ce que le cadre conceptuel soit cohérent, contienne le moins d'erreurs possible dans la mesure des connaissances actuelles, et que le moment où je lache le réel, le connu, pour partir - je vais pas dire "dans la spéculation", ça insinuerait que je comprends tout ce à quoi je touche et ce n'est pas vrai -
(mon dernier roman flirte de très loin avec les super-cordes, ce sont de très joulies guirlandes et elles scintillent drôlement bien dans le noir, j'ai aussi une histoire en train qui va jouer avec l'espace froissé, alors j'ai acheté un chouette fer à repasser poétique à passer dessus )
- disons dans le lyrisme ou le "merveilleux scientifique" (merci Nébal) soit relativement repérable pour le lecteur non averti mais attentif.
le contrat que je passe unilatéralement avec lui à ce moment là ayant pour termes "jusque là, tu peux "apprendre" tout ce que j'ai raconté, après tu y crois le temps du livre."
Donc je fais des recherches...
et dans l'ensemble je m'intéresse plus à "l'effet produit" qu'à la théorie qui l'explicite.

(maintenant ,ça m'empêche pas de commettre de superbes bourdes)
(je tente bien de prévenir le coup en faisant le siège de quelques bétas lecteurs pointus dans la question soulevée - merci les gars vous êtes des choux -, mais parfois la réponse vient trop tard parce que j'ai pensé à la poser au dernier moment).

euh voilà

sais pas si j'ai répondu à la question...

Posté : lun. juil. 14, 2008 12:21 pm
par Seb

Posté : lun. juil. 14, 2008 12:25 pm
par jlavadou
Erion a écrit :Avant d'invoquer Egan et autres, ce serait bien de revenir aux fondamentaux : Verne, Gernsback, Asimov, etc. Surtout pour une thèse, on est beaucoup plus certain de trouver des sources fiables et un corpus solide en revenant à ces auteurs plutôt qu'en parlant d'Egan, Bear, Benford. Surtout pour une thèse, où la bibliographie est presque aussi importante que le contenu (et c'est pas peu dire que les jurys explorent les bibliographies jusqu'à la moindre faille).
Je ne vois pas en quoi les auteurs récents que tu cites n'auraient pas la légitimité suffisante pour faire partie d'une telle bibliographie... Bon, je ne les ai pas lus, mais j'ai lu David Brin, par exemple, qui me semble convenir à la catégorie "refourguer en douce des informations scientifiques" (plutôt que vulgariser, car je ne le trouve pas si clair que ça), même si c'est revendiqué et pas toujours très subtil.

Mais je suis d'accord sur Asimov notamment, pas tellement dans l'exactitude des idées scientifiques (il ne me semble pas que le cerveau positronique des robots soit basé sur quelque chose d'exact, mais je ne suis pas forcément apte à juger), mais plutôt dans l'exposition de la méthode scientifique et une certaine rigueur dans le développement de ses histoires. Cela dit il a aussi une énorme bibliographie de vulgarisation scientifique, que je n'ai pas lue.

Posté : lun. juil. 14, 2008 12:30 pm
par orcusnf
Comme jlavadou, faut aller voir du côté d'asimov, sachant qu'il a écrit beaucoup plus d'ouvrages de vularisation que de romans de sf. Il faisait les deux en collaboration si on peut dire, puisque ce qu'il expliquait se retrouvait souvent dans ses romans. Et en remontant plus loin, gernsback était évidemment et incontestablement un vulgarisateur, la sf est vulgarisation, sinon, on ne pourrait pas comprendre le 1/4 de certains romans...

Posté : lun. juil. 14, 2008 12:31 pm
par dracosolis
jlavadou a écrit :[David Brin, par exemple, qui me semble convenir à la catégorie "refourguer en douce des informations scientifiques" (plutôt que vulgariser, car je ne le trouve pas si clair que ça), même si c'est revendiqué et pas toujours très subtil.
je me souviens d'avoir lu au coeur de la comète quand j'étais en licence de psycho clinique et que j'avais donc entre temps avalé trois années d'un grand nombre de choses à propos du fonctionnement du cerveau - d'un côté et celui de la cellule des mammifères de l'autre.
ce ne fut pas un bagage inutile pour comprendre certains passages... 8)
(mais j'aimais bien)

Posté : lun. juil. 14, 2008 12:31 pm
par Erion
jlavadou a écrit : Je ne vois pas en quoi les auteurs récents que tu cites n'auraient pas la légitimité suffisante pour faire partie d'une telle bibliographie... Bon, je ne les ai pas lus, mais j'ai lu David Brin, par exemple, qui me semble convenir à la catégorie "refourguer en douce des informations scientifiques" (plutôt que vulgariser, car je ne le trouve pas si clair que ça), même si c'est revendiqué et pas toujours très subtil.
Je n'ai pas dit que les auteurs en question n'étaient pas légitimes sur le sujet, mais dans le cadre d'une thèse, y'a pas suffisamment de sources pour s'en servir (non, les romans en eux-mêmes ne suffisent pas). C'est pour ça qu'il faut remonter plus en arrière historiquement. Déjà, Gernsback, Campbell, Asimov, le jury ne les connaîtra pas, autant lui parler de Marc Lévy ou Dan Brown. Donc, s'il veut pas saborder sa thèse en parlant SF, autant s'appuyer sur un corpus solide et indiscutable pour justifier son "détour" par la SF.
Ne JAMAIS surestimer l'ouverture d'esprit du jury (ou du directeur de thèse).

Posté : lun. juil. 14, 2008 12:35 pm
par dracosolis
Erion n'a pas tort là

faut jamais envoyer un jury universitaire en terra incognita et draconis, il finit toujours par vous le faire payer

Posté : lun. juil. 14, 2008 12:42 pm
par systar
Seb a écrit :
"En outre, je me demandais si on trouvait chez les auteurs de SF cette conviction typique des Lumières et présente chez de nombreux vulgarisateurs que l'émancipation passe par l'appropriation de la science."
En gros, il s'agit de déterminer si l'homme peut "conquérir" une certaine forme de liberté en acquérant de lui-même et de l'univers dans lequel il évolue une connaissance plus profonde ? C'est ça ? J'ai bon là ?

Sinon j'aurais effectivement cité Egan (encore que la vulgarisation ne soit pas toujours évidente. La plongée de Planck dans Radieux m'avait complétement laissé au bord de la route.) . Sans doute Clarke, bien que j'ai pas mis le nez dedans depuis un bail. Hmm... Vinge avec Rainbows End et Sterling. Baxter bien sûr.
Oui, tu as bon, c'est ça. :wink:
La question est donc: les "enfants de Jules Verne" sont-ils des petits-enfants des Lumières?

Posté : lun. juil. 14, 2008 12:51 pm
par systar
Merci à tous pour toutes ces réponses.
Ce que Frank pense par "science", je crois que c'est assez vaste.
Evidemment, dans le cadre de sa thèse, il y a bien sûr des développements vers la bioéthique (qui doit voter? des gens qui "savent", ou bien l'ensemble des gens?), c'est surtout ça l'enjeu entre science et politique qui est visé.

Le plus simple va être de vous le ramener sur le forum, il pourra vous poser des questions plus précises...

@ Erion: oui, j'aurais dû commencer par là, par la démarche historique rigoureuse. Donc Verne, Campbell, etc.
J'ignore si son jury est ouvert d'esprit ou pas avec la SF, mais là on peut légitimement se dire que si jamais il y a un genre narratif qui peut faire de la vulgarisation - volontairement ou non, that is the question... - , c'est bien la SF.

Posté : lun. juil. 14, 2008 1:35 pm
par Erion
systar a écrit : J'ignore si son jury est ouvert d'esprit ou pas avec la SF, mais là on peut légitimement se dire que si jamais il y a un genre narratif qui peut faire de la vulgarisation - volontairement ou non, that is the question... - , c'est bien la SF.
Je ne remets pas en cause son questionnement, ni la pertinence de l'utilisation de la SF. Maintenant, j'essaie de me mettre à la place d'un jury et de son mode de fonctionnement. Plus on s'écarte du classique, plus il faut blinder son corpus avec de l'éprouvé, du solide (en gros, éviter de se faire plaisir).
Le jour où y'aura des ouvrages de chercheurs publiés dans des instances reconnues sur ces sujets et en parlant d'auteurs encore vivants, alors ce sera plus facile. En attendant, faut être prudent.

Posté : lun. juil. 14, 2008 1:56 pm
par justine
Le cas de Verne est certainement très significatif, puisque je crois qu'il était indiqué dans son contrat avec hetzel que ses oeuvres devaient être "éducatives". Et Verne a certainement par son coté "explicatif" influencé beaucoup d'auteurs de SF. Je ne crois pas que l'on trouve ce caractère éducatif chez Wells, l'autre "grand-père" de la SF. Oncle Joe qui connait certainement mieux Wells que moi pourra confirmer ou contredire.

Un Vernien se souviendra certainement des termes exacts du contrat.