Kikoo rmdrmd a écrit :kikoo,
On a parlé un peu jeu video lundi, y'a-t-il une influence de ton expérience pro du jeu video sur ton écriture ? Au dela de la rigueur dans le scenario, peut-être sur la construction des personnages ou des décors ?
Je ne crois pas que je conçoive mes décors de romans comme ceux d'un jeu vidéo, pour la bonne et simple raison qu'un livre n'est pas limité en affichage graphique ou en RAM
Quand je travaille sur un jeu, je suis en permanence soumis à la contrainte technique du médium sur lequel mon histoire sera portée. Les consoles Next Gen et les PC modernes ont beau être des engins d'une puissance de calcul redoutable, ils ne savent pas encore afficher le monde jusqu'à l'horizon, avec en sus deux douzaines de galères macédoniennes, cinquante fois plus de phalanges en armes, sans compter les rameurs et la frégate "full detail" du héros, avec chaque texture animée par le vent qui tourne sans cesse, les variations de lumière, la pluie qui tombe, etc. En tout cas, pas sans que ça lag au point d'avoir l'impression d'assister à une soirée diapo
Attention, je parle là, bien sûr, des rendus en temps réel, mais pas des cinématiques en précalculées, qui nécessitent certes des mois de calculs, mais qui au final peuvent afficher des milliards de polygones.
C'est le grand drame de la tendance "full 3D 60 frames/sec" actuelle : paradoxalement, plus les qualités d'affichages exigées par le marketing et le public sont élevées, plus en coulisses les concepteurs et les développeurs doivent tricher et ruser pour permettre un affichage cohérent du jeu.
De mon point de vue, la règle est simple : actuellement dans le jeu vidéo, "plus la technologie avance, plus les mondes se réduisent !!"
Exemple flagrant, si tu regardes la saga des "Elder Scrolls" de Bethesda : dans "Daguerfall", c'est peut-être moche, et animé en sprites, mais tu peux visiter chaque maison de chaque ville de chaque pays de tout un continent !!! Dans la suite, "Morrowind" (qui mettait déjà à genoux la plupart des configurations matérielles du parc PC des gamers de l'époque), c'est certes devenu très beau, mais tu ne peux visiter qu'une région. et dans le dernier opus en date, "Oblivion" (qui lui demande carrément la puissance de calcul d'une machine de la Nasa pour profiter de tous les effets graphiques), les décors sont certes magnifiques (mais de toute façon, ils seront quand même obsolètes dans 3 ans !!!) mais tu ne te promènes en réalité que dans une province.
Y'a un phénomène d'optique et d'illusion très bien caché, dans les jeux vidéo RPG actuels, et les ingénieurs et les graphistes se battent au quotidien pour résoudre les défis techniques imposés par la tendance "encore plus beau encore plus réaliste" qui sévit dans l'industrie.
Moi, avec mon clavier et mon écran, je peux générer des multivers qui s'affichent jusqu'aux confins des temps dans la tête de mes lecteurs
Quand tu écris un roman, penses tu à son éventuelle adaptation à d'autres média ?
Absolument pas. Je vais même dire mieux : tu ne peux pas raconter la même histoire en roman, en BD, en jeu vidéo, ou en série télé ou en film. Chaque média a ses règles et ses codes de narration.
Yannick Dahan, dont j'apprécie énormément le regard sur le production cinématographique de genre, a fait une analyse très juste des Watchmen adaptés en film récemment. Je ne vais pas refaire ici son exposé, mais en gros, il dit qu'en se contentant de se servir de la BD comme d'un storyboard, le réalisateur n'a fait qu'un copier/coller, et n'a pas faire œuvre de cinématographie. C'est peut-être un peu radical, mais je partage en théorie cette idée : à chaque média ses spécificités de narration.