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Ados sous contrôle

Johan Heliot ( Auteur), Christophe Bec (Illustrateur de couverture)
Langue d'origine : Français
Aux éditions : 
Date de parution : 31/01/2007  -  jeunesse
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Ados sous contrôle



Que de chemin parcouru pour Johan Héliot depuis ses nouvelles publiées dans des fanzines. Dès 1999, il voit ses textes publiés dans des supports professionnels, la machine est lancée et va s'emballer rapidement. En 2002, il se met en disponibilité de l'éducation nationale au sein de laquelle il était professeur d'histoire géo et de lettres. Il multiplie alors les projets, publie des suites à des premiers romans remarqués par la critique et appréciés par le public : La Lune seul le sait se prolonge par La Lune n'est pas pour nous tandis que Faerie thriller renoue avec l'univers flamboyant et les personnages attachants de Faerie Hackers. Romancier reconnu, novelliste prolixe et anthologiste à l'occasion (il était à la barre de La Machine à remonter les rêves se partageant le quart avec Richard Comballot ), il est passé, il y a peu mais à une certaine cadence, à la littérature de jeunesse avec Alter Jéremy, son premier titre dans la collection Autres Mondes et Les Vagabonds de l'entremonde paru en janvier 2007 chez Intervista.

Accord parental obligatoire

Lou ne comprend pas ce qui lui arrive quand deux inconnus l’arrachent brutalement à son sommeil et à son foyer. Elle se réveille dans un camp pour ados difficiles, où celui qui se présente comme son mentor, Patrick Drake commence par réduire en miettes l’ordinateur de Lou qui a été amené avec elle parce qu’elle l’utilisait comme cachette pour son herbe. Cette première démonstration d’autorité est suivie d’une série de brimades, d’humiliations sous couvert d’alibi thérapeutique. Si les autres pensionnaires du camp ont l’air enclins à collaborer avec le programme qu’on leur impose, Lou rencontre Erwan qui même s’il est isolé dans sa chambre parce qu’il est en grève de la faim n’en perce pas moins les terribles secrets du camp.

Quand un “exercice de socialisation” tourne mal, Erwan sort de sa retraite et se joint à Lou.

Tout bascule...

Lou échappe au camp et est contactée par Muna qui lui demande son aide et son témoignage pour dénoncer ce qui se passe réllement dans le camp. Ce journaliste lui cacherait-il certaines de ses motivations à faire éclater la vérité et d’étranges alliés ?

A vif

Ce roman prend immédiatement, aux tripes, à la gorge. Le lecteur est comme l’héroïne propulsé dans un univers violent, carcéral, totalitaire. Les scènes d’humiliation, de manipulation se multiplient, allant crescendo dans l’horreur qu’elles révèlent et qu’elles inspirent en retour. C’est un tourbillon cauchemardesque, une chute douloureuse dans l’enfer, un plongeon dans l’inhumanité.

La deuxième partie du récit qui réserve elle aussi un certain quota de rebondissements devient alors nécessaire pour démeler, voire démanteler les implications et distiller les révélations qui rendent encore plus insupportables les scènes du camp. L’on découvre progressivement ce qui a amené les pensionnaires jusqu’au camp et ce qui les y attend.

La forme d’enquête “journalistique” menée en tandem permet là encore d’impliquer le lecteur et le mentor positif que s’avère être Muna transmet quelques notions essentielles sur la validité de l’information, notamment ou sur la sur-exposition du consommateur aux veilles du marketing. Et la traque conserve un grand rythme à l’intrigue.

Ados sous contrôle reprend la thèse de la détection et donc de la prévention de la délinquance juvénile et la conduit à l’absurde ; il intègre aussi d’autres problèmes très contemporains la démission de certains parents, l’inégalité des chances et la nécessité de développer certains comportements pour survivre dans certains milieux, la peur de la société face à ses éléments les plus incontrôlables qui la débordent et la mettent en danger. Est aussi abordé la questionde l’éthique jusqu’où les neuro-sciences peuvent-elles intervenir dans le comportement et la constitution de l’individu.

Le parcours de Muna illustre aussi les notions de responsabilité et comment la machine sociale peut vite s’enrayer.

La post-face assène une claque finale au lecteur en lui rappellant combien sur ce sujet la réalite rattrape voire dépasse la fiction, combien sont nombreux ce qui rêvent de nous inculquer “la meilleure façon de marcher” (selon le titre d’un documentaire consacré à de jeunes militaires) et en renvoyant chacun à son devoir de vigilance pour ne pas perdre tout contrôle et voir mater dans la répression toute forme de rébellion voire simplement de refus de se comporter en bon et zélé consommateur.

Ce livre dense et fulgurant est une invitation sans concession à devenir adulte, mais pas comme le préconise Patrick Drake “en abandonnant ses émotions primaires” mais en assumant ses choix, ses responsabilités et en se construisant.

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