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Interview 2017: Alain Grousset - Stéphanie Nicot pour Anthologie du Monstre
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Interview 2017: Alain Grousset - Stéphanie Nicot pour Anthologie du Monstre


ActuSF : L’Anthologie du monstre vient de paraître au livre de poche. Quel a été le point de départ de ce recueil de nouvelles ?


Alain Grousset :
Stéphanie Nicot m’a parlé du bicentenaire de Frankenstein, publié la première fois en 1818. Tout de suite, nous avons pensé à une anthologie sur ce thème. Hachette a immédiatement été intéressé.
Stéphanie Nicot :
« J’ai une idée ! » : en général, ça commence comme ça… Ensuite, je crée un dossier numérique, et ça resurgit parfois, à l’occasion d’une opportunité ou d’une date anniversaire. Cette fois-ci, il y avait à la fois le bicentenaire du roman de Mary Shelley, et les nouveaux programmes du collège qui font du monstre un thème imposé en classe de 6ème. Par ailleurs, Alain Grousset est un ami de trente ans, et nous avions de longue date l’envie d’une initiative éditoriale commune.

Boris Karloff dans le rôle de la Créature de Frankenstein


Les douze nouvelles abordent le monstre sous différentes facettes. Comment vous êtes-vous arrêtés sur ce thème ?


Alain Grousset : Cécile Terouanne, directrice d’Hachette jeunesse, nous a demandé d’élargir le thème aux monstres en général. Il est vrai que si nous avions fait une anthologie uniquement sur des Frankenstein modernes, cela aurait pu devenir très vite répétitif.
Stéphanie Nicot : Alain Grousset a tout dit ;-)


Au sommaire, il y a Pétrone, Marie de France… mais aussi des auteurs actuels comme Pierre Bordage, Manon Fargetton... C’est assez rare de voir des textes classiques côtoyer des nouvelles contemporaines. Ce mélange est une volonté de votre part dès le départ ? Pour montrer l’imaginaire dans ses origines comme dans sa modernité ? 


Alain Grousset :
Tout à fait. Nous voulions démontrer que le thème de la monstruosité est fort ancien, et, en même temps, bâtir l’anthologie de façon chronologique. D’où ce mélange heureux, finalement.
Stéphanie Nicot :
Avoir enseigné les Lettres et l’Histoire en lycée professionnel, dans les années 90 et au début des années 2000, m’a donné une bonne connaissance des niveaux scolaires et des attentes des professeurs, ce qui nous a été utile dans le choix des textes. De plus, même si le thème du monstre traverse toute la littérature et a logiquement été inséré dans les nouveaux programmes du collège, il fallait veiller à ne pas le traiter comme une idée conceptuelle, mais le conjuguer, comme l’a souhaité le ministre de l’Éducation nationale, avec un « enseignement chronologique de la littérature ». Le ministre devrait donc se retrouver dans notre anthologie qui débute par des textes de l’Antiquité et du Moyen-âge, se poursuit par un classique du XIXe (et quel classique : Maupassant !), offre des récits du XXe – entre pépites inconnues et grandes signatures (Ray Bradbury ou Jean Ray, par exemple) –, et débouche sur un tiers de récits inédits, rédigés spécialement pour notre anthologie par quatre grandes signatures de la SFFF (science-fiction, fantasy, fantastique) contemporaine, Pierre Bordage ayant le mérite particulier d’avoir déjà conquis l’intérêt des prescripteurs.

 


Comment s’est fait le choix des textes classiques ?


Alain Grousset :
Comme toujours, en lisant des dizaines de textes qui doivent être encore lisibles par les jeunes d’aujourd’hui, et qui doivent être assez courts pour figurer dans un recueil. Un travail de longue haleine pour débusquer quelques pépites.
Stéphanie Nicot :
Je tenais à offrir à mes collègues – et aux jeunes, car nous faisons avant tout ce genre d’ouvrages pour les filles et les garçons d’aujourd’hui (et de demain !) – un panorama de ce que les genres de l’imaginaire peuvent offrir de mieux.

Pour les nouvelles contemporaines étaient-ce des commandes ? Sont-elles toutes inédites ? Et là encore, comment avez-vous ciblé les auteurs que vous avez retenus ?

Alain Grousset : Toutes les nouvelles contemporaines sont inédites. Nous avons privilégié une stricte parité et un éventail ouvert dans la manière d’aborder le thème du monstre. Nous avons aussi suggéré aux auteurs des problématiques qui ne figuraient pas parmi les rééditions : monstre gentil (Manon Fargetton), ville monstre (Pierre Bordage), manipulations génétiques (Victor Dixen), harcèlement scolaire (Charlotte Bousquet).
Stéphanie Nicot :
Nous avons établi, séparément, une pré-liste d’auteurs habitués à écrire pour la jeunesse, puis nous les avons comparées ; elles concordaient largement. Ensuite, nous avons discuté, pondéré (parité, génération), vérifié les disponibilités… Au vu du résultat : champagne !


Le recueil est conçu pour s’adresser à un public de 6ème, car l’imaginaire est au programme. Selon vous, les littératures de l’imaginaire doivent-elles (ré) investir le monde scolaire ? Ou ces genres sont-ils déjà bien défendus par les enseignants ? 


Alain Grousset :
Il me semble que les mondes de l’Imaginaire font constamment partie de la vie des enfants (livres, jeux, films). L’Education Nationale et ses professeurs, qui se mobilisent au quotidien pour donner envie de lire à des adolescents sollicités par une offre culturelle très diversifiée, ne peuvent évidemment pas se passer de genres romanesques qui, en même temps, puisent leurs racines dans la mythologie et passionnent les jeunes. De plus, le thème du monstre est tellement vaste, tellement moderne ! On est toujours le monstre de quelqu’un, comme le souligne l’intitulé du programme de français : « Le monstre, aux limites de l'humain ». Cela ouvre évidemment la réflexion sur d’autres thèmes, comme le racisme, le sexisme, la dictature de l ‘apparence, etc.
Stéphanie Nicot :
Qu’ajouter quand ici tout est dit, et si bien ? J’ai toujours pensé qu’Alain, qui adore faire des rencontres scolaires, aurait pu être professeur… Notre anthologie, si elle s’intègre parfaitement au programme de 6ème, a évidemment été pensée pour être utile aux professeurs d’autres classes et d’autres niveaux : vu la diversité des textes choisis par nos soins, il y a des récits pour la 5ème, la 4ème, ou la 3ème. Et même pour le lycée ! J’espère aussi que les nouvelles que nous avons sélectionnées pour eux vont plaire aux professeurs de français et de documentation.

 


Avez-vous d’autres projets du même type ? Peut-être un recueil de science-fiction pour les 4ème / 3ème, car elle est au programme ?

 
Alain Grousset :
Le thème du monstre se rattache historiquement au fantastique, qui a depuis longtemps ses lettres de noblesse dans l’histoire de la littérature, mais dans notre anthologie, nous l’abordons aussi par le biais de la fantasy et de la science-fiction, et même de la littérature générale mâtinée d’horreur en ce qui concerne La Mère aux monstres de Maupassant. Nous sommes donc ouverts à toute proposition.
Stéphanie Nicot :
Je renvoie directement au site du ministère de l’Éducation nationale ! Tout y est dit, et bien dit :
http://cache.media.eduscol.education.fr/file/Regarder_le_monde/49/0/RA16_C4_FRA_3_rever_un_autre_monde_555490.pdf
Autrefois réservée à l’égard de la science-fiction, l’institution en a aujourd’hui compris l’enjeu actuel : passionner et faire réfléchir les jeunes lecteurs. Désormais, des écrivains de SF comme Ray Bradbury, Lois Lowry, Philip K. Dick, Christian Grenier ou Pierre Bordage, sont régulièrement évoqués dans les programmes. Le cycle 4, par exemple, propose une problématique que n’importe quel lecteur SF reconnaîtra : « Comment l’invention d’un autre monde permet-elle de repenser le nôtre ? Utopie - dystopie - uchronie. » Alors oui, nous sommes prêts, Alain et moi, à bâtir ensemble, pour les élèves et pour les prescripteurs, sur le même modèle que L’anthologie du monstre, une anthologie de science-fiction !

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