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Interview de Lucas Moreno
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Interview de Lucas Moreno

Actusf : Peux-tu retracer ton parcours et nous indiquer comment tu en es venu à l’écriture ?
Lucas Moreno : J’ai toujours voulu écrire, mais le passage à l’acte s’est fait tardivement, par la bande du journalisme. C’était en 2002. J’ai bossé pendant trois mois pour un quotidien genevois, notamment à la culturelle, et à force de délais et de contraintes mes doigts se sont déliés. J’ai compris qu’il suffisait de se mettre au clavier et de suer. J’ai rapidement rédigé ma première nouvelle, créé un groupe d’écriture puis appris le métier à coups de feed-back sanglants (je dois mes deux premières dévissées éditoriales à Olivier Girard et Jean-Claude Dunyach, qui m’ont fait faire un bond en avant). Ma première publication remonte à 2006.

Actusf : Quelles sont tes influences ?
Lucas Moreno : Le jazz, le rock, la pop, Thiéfaine, Lansdale, Fante, Bukowski, Miyazaki, Lynch, Jack London, Simak, Asimov, Andrevon, Borges et Bordage, Kubrick et Brussolo, la musique classique, les gens, la poésie, Éliade…

Actusf : La Suisse a-t-elle eu une influence sur ta façon d’appréhender le monde et l’écriture ?
Lucas Moreno : Le monde sans doute. J’y suis arrivé quand j’avais huit ans. La Suisse a éveillé en moi des sensations très paradoxales : plongé dans un monde de sécurité et d’argent, j’ai souvent (par contrainte au début, par choix ensuite) été désargenté et imbibé d’un sentiment d’instabilité, de perte imminente. C’est lié à l’immigration, forcément, et tout simplement à moi. Petit, j’étais à la maison en Suisse sans jamais vraiment y être. Cela m’a fait réfléchir à l’identité, l’appartenance, l’altérité, l’étrangeté, l’ailleurs… puis je suis naturellement tombé dans la SF par le biais de Barjavel, les comics et Asimov. Je pense qu’on sent la Suisse dans mes textes, mais de manière tantôt indirecte tantôt superficielle (le cadre des récits, par exemple). Ce sera beaucoup plus patent dans mes deux prochains livres : un recueil de poèmes et un roman.
 
Actusf : Les récits de Singulier Pluriel sont plutôt concis... tu es plus à l’aise dans la forme courte ? Envisages-tu d’écrire des romans ? Y a t-il d’autres formes d’écriture (BD, théâtre...) que tu souhaites explorer ?
Lucas Moreno : La nouvelle, pour moi, c’était une école. J’étais timide, j’avais peur de faire faux, et surtout il y avait des barrages émotionnels à faire céder : j’explorais mes sources par bribes, inquiet, craintif, pour refermer rapidement les vannes. À présent qu’un énorme travail introspectif a été fait, par le biais de l’écriture notamment, je suis à l’aise pour m’étendre, me perdre, dilater mes récits. Je viens de terminer un roman pour la jeunesse (premier tome d’une trilogie) et j’ai une autre fiction en préparation : un roman noir aux faux airs de recueil de nouvelles. J’ai également écrit un scénario de BD. Actuellement, j’écris de la poésie.
 
Actusf : Tu as fait beaucoup de traductions... est-ce que cela a influencé ton travail d’écrivain, et inversement ?
Lucas Moreno : La traduction m’a énormément appris, un peu selon le modèle du journalisme : écrire beaucoup, écrire sous pression, assurer un haut niveau de qualité. Fluidité du style, efficacité des dialogues, concision des descriptions, construction narrative, rythme du récit : à force de te taper dix pages de traduction par jour, tu apprends à écrire sans t’en douter, façon Karaté Kid. J’ai eu la chance de faire mes premières armes avec Pierre Michaut, de L’Atalante, qui a été sans le savoir un maître artisan pour moi (je le lui dirai à un prochain festival, tiens). Pierre est brillant, exigeant. C’est un véritable maïeuticien : en mettant la barre très haut, en cernant les failles et les forces de ses traducteurs, il les amène à se surpasser. Mais c’est douloureux, et c’est un combat.
 
Actusf : Les textes de ton recueil ont une tonalité assez sombre... pourquoi ce choix ?
 Lucas Moreno : Ce n’est pas un choix, c’est moi. Ou une partie de moi, en tout cas.
 
Actusf : J’ai trouvé dans tes textes une certaine sensibilité à la culture asiatique (bouddhisme, réincarnation...), d’où te vient-elle ?
Lucas Moreno : Mon meilleur ami d’enfance était vietnamien. De huit à douze ans environ, j’ai été plongé dans sa culture. Plus tard j’ai étudié le tibétain, le sanscrit, le bouddhisme, le chinois. J’ignore au juste d’où me viennent ces pulsions, mais elles sont là depuis toujours.
 
Actusf : Quels sont tes projets ?
Lucas Moreno : Je travaille actuellement à un recueil de poèmes. Quelque chose de très personnel, de fortement décalé, qui saura je l’espère trouver une niche éditoriale. Après (ou pendant) ça, cap sur mon prochain roman, une amplification tentaculaire de la deuxième nouvelle de Singulier Pluriel : « Le meilleur’ ville dou monde ». Mon roman jeunesse est quant à lui en bonne voie de publication : j’aurai tous les détails d’ici la fin de l’année, et après, selon le contrat, je vais devoir assez rapidement m’atteler aux tomes 2 et 3.

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