Publié une première fois en français par J'ai Lu en 1995, il aura fallu attendre six ans pour avoir la suite de La Parabole du Semeur. Octavia Butler a mis plusieurs années à écrire La Parabole des Talents, livre touffu de près de 600 pages. C'est le Diable Vauvert qui s'est attelé à la traduction pour accompagner la réédition de La Parabole du Semeur, un roman formidablement humain et passionnant.

La Parabole des Talents est la suite presque directe de La Parabole du Semeur. Cinq petites années séparent les deux livres. Mais en cinq ans, il s'en est passé des choses pour Lauren, l'héroïne du premier roman. Après avoir été jetée sur les routes suite au massacre de presque toute sa famille, elle a mené une vie de vagabond avant de fonder une petite communauté cachée dans les montagnes. Les choses en étaient là une fois la dernière page de La Parabole du Semeur tournée. Au début de sa suite, cinq ans après donc, sa communauté de la Chênaie a grossi et s'est adaptée à une vie rude mais relativement tranquille. D'une dizaine d'individus au départ, elle compte désormais une soixantaine de membres qui travaillent tous ensemble. Les bases de leur regroupement reste la pseudo-religion inventée par Lauren. Pseudo-religion et non religion car elle croit en un Dieu sans intérêt pour les hommes. Ceux-ci doivent se débrouiller par eux-mêmes, ce qu'ils font fort bien au sein de la Chênaie.

Démocratie et communauté

Leur vie est rythmée par une sorte de démocratie. Chacun peut faire entendre son opinion et discuter des problèmes de son choix. Le reste du temps est consacré au travail, à la surveillance du domaine et aux loisirs. Quant aux critères d'acceptation, ils sont larges. Quiconque souhaite rester le peut, sans distinction d'âge, de couleur ou de sexe. Il faut juste se plier aux règles élémentaires du lieu. Bref, la vie dans cette communauté semble être idéale lorsque l'on sait que le reste des Etats-Unis est ravagé par la violence et la misère en cette année 2032. Même notre héroïne finit par être enceinte, signe qu'elle a trouvé avec l'homme de sa vie une sorte d'équilibre tranquille. Mais évidemment, un tel havre de paix ne peut pas rester inviolé. De terribles épreuves attendent leurs habitants.

Une réussite !

La Parabole des Talents est une réussite. On suit toujours avec beaucoup de plaisir les aventures de Lauren. Un plaisir augmenté par les variations introduites par Octavia Butler. Avec une différence de plusieurs années par rapport au récit principal, la fille de notre héroïne introduit toutes les grandes parties du livre avec sa vision des choses. Elle nous offre ainsi un contrepied intéressant sur la vie de sa mère. Cela ne change rien à l'extraordinaire destin de Lauren, mais désacralise son image et son caractère. C'est courageux de la part d'Octavia Butler et c'est réussi. Au final donc, La Parabole des Talents est un fort bon livre avec une nouvelle fois de nombreux petits messages vivifiants contre le racisme, les camps de concentration, le fanatisme… On regrettera juste un peu le déséquilibre de l'ensemble avec cette dérangeante impression que tout s'accélère sur la fin. Sans nul doute Octavia Butler aurait-elle pu tirer des derniers événements de son histoire plusieurs dizaines de pages supplémentaires. Mais ce petit défaut est véritablement mineur. Souhaitons qu'avec ce livre et son prédécesseur, Octavia Butler s'impose enfin comme la grande auteur de science fiction qu'elle est en France.