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3 bonnes raisons de lire Les Miracles du bazar Namiya
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3 bonnes raisons de lire Les Miracles du bazar Namiya

Les Miracles du bazar Namiya (Actes Sud 2020) de l'auteur japonais Keigo Higashino est un roman qui a su nous séduire et a remporté le Prix ActuSF de l'Uchronie 2020. Un roman particulièrement touchant et original. Si vous ne l'avez pas encore lu et hésitez encore à le parcourir, voici trois bonnes raisons de le découvrir :

1 : Une incursion dans le fantastique d'un auteur de littérature policière

Originaire d'Osaka, Keigo Higashino est un auteur incontournable du roman policier japonais avec plus d'une soixantaine de romans et une vingtaine de recueils de nouvelles à son actuf. Une vingtaine d'œuvres ont d'ailleurs été portées à l'écran. Il a reçu de nombreux prix dont le prestigieux Prix Edogawa Rampo ainsi que le prix du roman international du festival Polar de Cognac 2010 pour La Maison où je suis mort autrefois. Le roman dont nous allons nous attarder sort de son cadre habituel puisqu'il use des ressorts littéraires du polar pour tisser une intrigue étonnante dans un cadre fantastique.

L'histoire commence en 2012, après avoir commis un méfait (plus ou moins réussi), trois jeunes délinquants se retrouvent dans une boutique à l'abandon qui n'est autre que le fameux bazar Namiya avec l'idée de s'y cacher jusqu'au lendemain. Mais ils découvrent alors que cette boutique recèle d'étranges secrets. Ils tombent nez à nez sur une requête adressée à l'ancien propriétaire qui avait pris pour habitude de répondre aux soucis des gens du quartier. Cette lettre, pourtant écrite 32 ans auparavant les intrigue au plus haut point. Ils décident d'y répondre et voient bientôt la réponse à celle-ci tomber par la fente du rideau métallique. Ces jeunes-gens vont alors être confrontés malgré eux à d'autres requêtes et vont jouer le jeu tout en prenant conscience que leurs réponses auront un impact sur le futur.

L'idée est chouette, parce que cette incursion au fantastique et cette initiation au voyage dans le temps tient à peu de choses en soi. Pas de machine ni rien de bien compliqué sur fond d'explications scientifiques un peu trop hasardeuses. Ce roman constitue ainsi une belle introduction au genre pour des lecteurs frileux au premier abord. Keigo Higashino arrive à construire son histoire à la manière d'un très bon roman policier, dénouant petit à petit par bribes le mystère autour de ce fameux bazar et des protagonistes qui l'entourent. C'est vraiment prenant comme un policier, mais avec de l'imaginaire par petites doses et le résultat est remarquable. J'ai été happée comme avec un bon page-turner en me rendant compte que je lisais toujours mon genre de prédilection mais sous une forme plus originale. Keigo Higashino pourra ainsi ravir les amateurs polar et réconcilier les non amateurs par ce genre entre-deux dans ce format habilement réussi.

2 : Un roman qui renouvelle le genre épistolaire

Que je vous rassure tout de suite, l'intégralité du roman n'est pas épistolaire, mais les lettres envoyés par l'intermédiaire du bazar, qu'elles soient récupérées par la fente du fameux rideau métallique ou la boîte à lait constituent le fil directeur de l'intrigue. Ces lettres sont intégrées de manière pertinente et permettent ainsi de faire le lien avec les différentes époques et les protagonistes. Elles ne sont jamais trop longues et vont directement à l'essentiel. Avec beaucoup d'humour, nous lisons les réponses d'abord brèves et catégoriques de nos apprentis malfrats, excédés par les différentes missives jusqu'à ce qu'ils prennent conscience que celles-ci auront un impact non négligeable sur l'avenir de ces personnes. Cette naïveté au premier abord est vraiment touchante, j'ai pour ma part d'ailleurs souvent eu tendance à se mettre dans la peau de ces malfrats et à me dire la même chose.

L'auteur a donc su savamment jauger parties épistolaires et celles relevant d'un roman plus classique. Il m'est parfois même arrivé à demander encore plus de lettres, et être tellement happée dans ma lecture que j'en oubliais de sortir de ma station de métro. Bref, qui l'eut cru que le roman épistolaire pouvait être aussi captivant qu'un bon polar ? Keigo Higashino, sans aucun doute. Voilà un roman qui nous ferait gentiment oublier la lecture forcée des Lettres persanes de Montesquieu. Il est au moins aussi captivant que Le Monde de Sophie de Jostein Gaarder, mais avec nettement plus de rebondissements. La magie du policier, encore et toujours.

3 : Une plongée dans la société japonaise

C'est une partie que je n'aurais pas soupçonné prendre en compte en lisant ce roman mais qui m'a sauté aux yeux après avoir refermé l'ouvrage. Keigo Higashino se sert ainsi du prétexte de voyage dans le temps pour nous conter l'histoire de la société japonaise à travers différentes époques, et par la même occasion, à émettre certains jugements critiques.

Keigo Higashino évoque par exemple l'importance de la cellule familiale au sein de la culture japonaise, que celle-ci soit bienveillante ou non, elle aura un impact non négligeable sur les choix de vie des enfants. Les parents peuvent soutenir ou non leurs enfants, et les enfants être amenés à se préoccuper de l'avenir de leurs parents. La cellule familiale demeure un pilier central de la société japonaise, et Keigo Higashino le montre assez bien en suivant les différents parcours et décisions de ses protagonistes.

Un autre point important et non des moindres, c'est la places des seniors (ou des anciens) dans la société japonaise. L'ancien est une figure respectueuse et qui a beaucoup à nous apprendre de par son histoire et son expérience de la vie. Dans les mots d'Higashino, on ressent bien tout le respect qu'il a pour ces personnes. Les anciens sont le symbole d'une certaine sagesse acquise au fil des années. Parfois taquin mais toujours de bon conseil, à l'image de la figure du propriétaire du bazar, Yūji Namiya qui aide avec bienveillance et sérieux toutes les gens du quartier via sa boîte à soucis.

Enfin et non des moindres, Keigo Higashino évoque sans filtre la place de la femme dans la société japonaise. Au fil des époques, nous découvrons que celle-ci n'évolue hélas que trop peu. La place de la femme demeure à la maison, et le but à accomplir reste encore trop souvent de trouver un bon mari qui lui assurera une vie confortable. Ainsi, la figure de la femme maitresse de sa destinée et indépendante financièrement est encore malheureusement toujours mal vue et incomprise du point de vue masculin. Donc, nous pouvons dire que Keigo Higashino aborde avec subtilité des points centraux non négligeables d'une pensée féministe. Et ça, c'est pas banal.

Bonus :

La bande-son des Beatles.

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