Stan et Vince sont inséparables depuis leur rencontre qui donna lieu à un fanzine (Asphyxie Progressive). Pour les éditions Zenda, ils réalisent chacun une BD en 1992 (Eden de Vince et Parasite de Stan). Ils démarrent en 1993 la série Vortex chez Delcourt, mettant en scène Tess Wood et Campbell d’abord séparément puis dans un même récit. Ce sera leur série phare, qu’ils termineront en 2003. Entre temps, ils dessinent des comics pour Dark Horse (The Shadow and Doc Savage, Tarzan…) et une série chez Albin Michel avec Benoît Delépine dont le dernier tome, Godkiller, sort en 2005. Ils réalisent également des décors, croquis préparatoires, story boards, génériques pour le cinéma ou la publicité. Sans oublier un court métrage, Métal Brutal, en 2006.

Dans la tête de deux gamins

Excellente idée que cet art book de Stan et Vince, qui auront marqué la mémoire de la BD avec leur série Vortex. Excellente et utile, puisqu’elle nous apprend que les deux compères n’ont pas que Vortex à leur actif ! Découpé en six parties (illustrations, BD, couvertures, cinéma, publicité, travaux personnels), Time Capsule offre un large panel de travaux annotés et commentés, avec en prime un petit making of de la couverture et une biographie dans le plus pur esprit des auteurs : sous acide ! Une courte mais efficace introduction de Lewis Trondheim plonge d’ailleurs tout de suite le lecteur dans cette ambiance un peu folle, juvénile, à laquelle il convient de s’abandonner.

Les premières illustrations rappellent évidemment le graphisme de Vortex, mélange de pulp et de steampunk, mais avant tout de grande qualité, et appliqué à tout un tas de domaines : affiches de cinéma, expositions, revues… Ceux qui ont apprécié Vortex ne pourront pas ne pas aimer ! Et seront même ravis de voir des recherches graphiques sur les personnages de Campbell et Tess, cette dernière étant souvent en bikini… Car oui, Stan et Vince assument leur penchant pour les belles courbes (une section « Hello girls » des plus affriolantes en témoigne). Et ce n’est pas le lecteur masculin qui s’en plaindra ! Mais Stan et Vince savent aussi changer de style. Saviez-vous par exemple qu’ils avaient réalisé la couverture d’American Gods, de Neil Gaiman au Diable Vauvert ? Ou qu’ils avaient fait le générique du Petit Poucet, le film d’Olivier Dahan ? S’ils sont passionnés par les extraterrestres à tentacules et les monstres en tout genre, ils savent aussi innover et produire par exemple des architectures futuristes d’une grande beauté. C’est donc un véritable kaléidoscope visuel qui défile sous nos yeux au fur et à mesure que l’on tourne les pages, d’une grande variété de traits et de couleurs.

Mais ce n’est pas tout : alors qu’ils auraient pu se contenter de reproduire leurs dessins et de laisser le lecteur à son seul plaisir visuel, les auteurs ont aussi commenté chacune de leurs rubriques sur un ton déjanté et plein d’autodérision, de même qu’ils ont reproduit quelques annotations originales montrant la précision de leur travail. On apprend ainsi quelques anecdotes sur leurs travaux ou leurs rencontres, et les recherches graphiques dénotent à la fois un amusement constant de gamins (« En général, quand on nous demande de créer des petits animaux, robots, ou autres créatures, nous sommes heureux. Si en plus ceux-ci rampent, sont gluants et possèdent des myriades de tentacules et yeux exorbités, nous exultons !!! »), et un souci du détail allant jusqu’à préciser la taille de leurs personnages, au centimètre près ! A noter également que la plupart des textes sont traduits en anglais (et de belle façon, car c’est loin d’être du mot à mot), signe d’une volonté de toucher un plus large public, Stan et Vince publiant aussi aux US.

Seul petit défaut de cet ouvrage : la grande quantité de dessins rend l’ensemble un peu fouillis, et l’on a parfois un peu de mal à s’y retrouver – mais cela traduit aussi le foutoir qui règne dans les cartons à dessin des deux acolytes ! On aurait également aimé avoir plus de précisions sur certains projets avortés ou en développement, notamment dans la section cinéma.

Mais ne boudons pas notre plaisir, car c’est avant tout de cela dont il s’agit. Time Capsule est un album indispensable pour les inconditionnels de Stan et Vince, mais pas seulement. A la mesure de leur talent, il ravira aussi bien les amateurs de belles illustrations, de monstres verts et de jeunes filles dénudées, de constructions futuristes et de robots, le tout dans une ambiance de franche rigolade qui nous ramène quelques années en arrière. Une capsule temporelle, en quelque sorte…