Robert Charles Wilson est surtout connu, et reconnu en France pour Les Chronolites, publié dans la collection Lunes d'Encre. Néanmoins deux ans plus tôt, en 1999, il créait déjà la sensation, manquant de peu le Hugo, avec ce Darwinia, qui s'est depuis imposé comme une référence chez les aficionados.
Pourtant, force est de constater que cette relecture du thème du continent perdu peine à nous émerveiller.
Une nuit et tout bascule
Lorsque, au printemps 1912, toute l'Europe disparaît en une nuit pour être remplacée par une terre sauvage et inexplorée, c'est le monde tout entier qui est bien évidemment plongé dans l'horreur. Et c'est, en partie, pour remonter aux sources de ce mystère, que neuf ans plus tard, l'expédition conduite par le naturaliste Preston Finch s'embarque pour la Darwinie.
La Darwinie, c'est le nom, qu'en référence ironique aux thèses évolutionnistes de Darwin, les esprits caustiques ont donné à cette Europe post "Miracle".
Laissant comme seule puissance aux commandes une Amérique déjà très éprise de religiosité, la disparition du continent est devenue pour les élites intellectuelles d'alors la manifestation d'un juste courroux divin frappant le brouet de décadence de la Vieille Europe. Le "Miracle", c'est tout autant celui qui épargna les Etats-Unis, que celui qui leur permit enfin, non sans une certaine tartufferie à peine exprimée, d'accéder au rang de première -et seule- superpuissance.
Au sein même de l'expédition Finch pourtant, deux visions du monde s'opposent dans un duel par trop feutré. Si le naturaliste est bien évidemment convaincu du bien fondé des nouvelles théories, Sullivan, le botaniste, maintient la pertinence des thèses évolutionnistes. Un point de vue partagé aussi par le jeune photographe du groupe : Guilford Law. Lui aussi, est persuadé que le "Miracle" trouve son explication dans un phénomène scientifique parfaitement rationnel.
Un concept fumeux
S'il est à mille lieues d'imaginer à quel point il a raison, la démonstration ne nous convaincra pas. La structure bizarrement déséquilibrée du récit, brouille les cartes. Ennuie. L'auteur hésite en permanence entre le classicisme de son sujet, le mystère quasi feuilletonesque qu'il implique et les aspirations hard science qu'il aimerait y instiller. Tout à l'élaboration de son concept fumeux, Wilson, se contente de brosser à si gros traits ses personnages principaux, qu'il nous frustre de toute identification. Du coup, rien ne nous raccroche vraiment à cette intrigue entre deux eaux. Il loupe le coche faute d'un véritable parti pris.
On regrette de ne pas trouver tenues à l'arrivée les promesses d'un thème riche de perspectives, et ce uniquement par la faute d'un traitement somme toute médiocre. Dommage.
Si le compromis est, paraît-il un art, à l'évidence la maxime ne s'applique pas à la littérature.
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