Un roman culte
La sortie (enfin !) du Dune de Denis Villeneuve fournit l’occasion rêvée de se replonger dans le roman de Frank Herbert, paru au siècle dernier et, on va le voir, toujours d’une actualité brûlante. Dune a déjà fait l’objet d’une adaptation ratée (mais fascinante par moments) produite par Dino de Laurentis et réalisée par David Lynch en 1984 ; et puis il y eut celle longtemps projeté par Alejandro Jodorowsky dans les années 70 et on se permettra de rêver de la bande son qu’aurait dû fournir Pink Floyd. Dune, donc, a suscité l’enthousiasme des beatniks et des hippies, des écologistes et des post-humanistes et est à l’origine d’un cycle que même la mort d’Herbert n’a pu interrompre. Alors remontons le temps grâce à cette réédition et arrêtons-nous un instant sur cette sublime Madeleine de Proust de l’amateur de SF…
Dans un futur lointain…
Résumons : en l’an 10191, l’espèce humaine a colonisé l’espace, rassemblé dans un Empire gouverné par la maison Corrino. De structure à la fois féodale et capitaliste, l’empire est le théâtre de l’affrontement des grandes familles sous le regard de la CHOM, compagnie des marchands, et surtout de de la guilde et du Bene Gesserit. La guilde des navigateurs remplace les ordinateurs en fournissant des mutants capables de replier l’espace grâce à l’épice, une substance aux humains d’abolir les distances et de voyager dans l’espace. Le Bene Gesserit est une confrérie féminine qui utilise l’épice pour améliorer ses capacités mentales. Le Bene Gesserit est aussi à la recherche du « Kwisatz Haderach », sorte de messie capable de voir l’avenir. Il sera issu du croisement des lignées qui se déchirent pour dominer l’Empire, au premier rang les Atréides et les Harkonnen. L’épice donc est au centre de cette civilisation mais on ne la trouve que sur Dune, planète désertique où vivent des vers gigantesques et un peuple en apparence sauvage, les Fremens…
Une planète au centre de l’univers
Qui s’occupe de l’extraction de l’épice sur Dune ? La maison des Harkonnen. Mais voilà que les Atréides, avec l’accord de l’empereur Corrino, se voient attribuer la suzeraineté de la planète. Leur chef, Le duc Leto, sent venir un piège mais a confiance dans de nouvelles armes récemment développées par son armée, entraînée par ses lieutenants Gurney Halleck et Duncan Idaho. Il ne sait pas cependant que son fils Paul, a développé sous la houlette de sa mère Jessica des talents normalement dévolus au Bene Gesserit. Une des dirigeantes du Bene Gesserit, Gaius Helen Mohiam, est surprise par l’étendue de ses dons et se prend à douter : il pourrait être celui qu’ils attendent. Mais elle sait aussi qu’un piège attend les Atréides sur Dune. Dune est également la planète des Fremen, un peuple dur, opiniâtre, en attente d’un messie. Et si Paul était ce messie ? L’arrivée sur Dune des Atréides mènera Paul au bout de lui-même.
Un univers foisonnant
On pourrait écrire une thèse sur Dune, tellement l’univers créé par Herbert est riche, croisant science, religion (celle des Fremens doit beaucoup à l’islam), philosophie et aussi écologie : l’auteur attache une extrême importance au climat et à l’environnement de Dune, et les suites du roman développeront beaucoup ces aspects. L’épice fit bien sûr penser aux drogues et au LSD en particulier, une raison du succès du roman dans ce monde si lointain des années 60 et 70. Les mutants de la Guilde évoquent une post-humanité améliorée, une réponse aussi à la puissance des machines détruites lors du Jihad Butlérien évoqué par Herbert (et qui sera ensuite développé par son fils Brian et Kevin J. Anderson). Et puis il y a aussi la question climatique, longuement développée par Herbert...
En relisant le roman, on est frappé par la maîtrise narrative de l’auteur : jamais on ne s’ennuie dans ce dédale d’intrigues de prime abord complexe. On est aussi vite fasciné par les personnages de Dune : Paul bien sûr mais aussi ses parents Leto et Jessica, le baron Harkonnen. Et puis il y a tous les autres mais il faut aussi donner aux néophytes le goût de la découverte. Le souffle d’Herbert laisse pantois et la préface de Pierre Bordage montre à quel point bien des auteurs actuels ont une dette envers lui… On espère en tout cas que Denis Villeneuve saura lui rendre honneur !
Sylvain Bonnet