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Heureux les humbles / Le moindre des fléaux

Michel Deutsch (Traducteur), Frederik Pohl ( Auteur), Cyril Mary Kornbluth ( Auteur), Elrik (Illustrateur de couverture)
Langue d'origine : Anglais US
Aux éditions : Collection :
Date de parution : 30/11/1983  -  livre
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Heureux les humbles / Le moindre des fléaux

Frederik Pohl a eu l’une des plus longues et riches carrières de l’histoire de la SF. Il a connu l’âge d’or des pulps dans les années trente. Auteur talentueux, ses meilleurs livres sont aujourd’hui des classiques du genre : Homme plus, La Grande Porte, L’Ére du satisfacteur… Son rôle dans l’histoire du genre ne s’est pas arrêté là puisqu’il a également assuré la direction de plusieurs revues et a veillé aux intérêts d'un grand nombre d'auteurs dans le cadre de ses activités d'agent littéraire. Son engagement politique a fortement influencé son œuvre et le superbe Planète à gogos, écrit en collaboration avec Cyril M. Kornbluth, reste un incontournable pamphlet contre la société de consommation. Quant à Cyril M. Kornbluth, décédé trop tôt pour que sa carrière égale celle de son confrère et ami, il eut l'honneur d'être l’un des rares auteurs qu’Isaac Asimov (rarement pris en flagrant délit de modestie) considérait comme plus brillant que lui… Il a laissé à la postérité une dizaine de romans et de nombreuses nouvelles parmi lesquelles Le Moindre des fléaux, une uchronie dont la chute ambiguë ne doit pas nous faire oublier qu’elle a été publiée en un temps où la guerre froide était très chaude…


La croissance économique, c’est faire consommer les pauvres ?


L’idée qui se trouve à la base de cette histoire est à la fois simple et prometteuse de nombreux développements comiques, ce dont l’auteur ne s’est pas privé ! Dans un monde où la surconsommation est un devoir sacré, il est bien difficile de justifier l’achat d’une nouvelle paire de chaussures quand les dernières ne datent que de la veille... Mais l’administration veille au grain en contrôlant avec soin la réalisation des objectifs de dépenses, et gare aux ménages qui ne les rempliraient pas ! Quelques artifices plus ou moins malhonnêtes permettent cependant de contourner ce système contraignant, par exemple en mangeant plus que la faim ne l’autorise ou se lançant dans le trafic de faux tickets de rationnement… On connaît l’aversion de Frederick Pohl pour les excès de la société de consommation, et avec Heureux les humbles, il illustre avec beaucoup d’humour son point de vue. Cet homme qui milita longtemps pour le parti communiste américain en un temps où cela demandait un certain courage parvient, en 1954, à ridiculiser l’American way of life en prenant à contrepied les valeurs du Système. Le résultat est explosif et susceptible de causer des crampes aux zygomatiques les mieux entraînés !


Le véritable Maître du Haut-Château ?


Un scientifique recruté par le gouvernement américain pour travailler sur le célèbre projet Manhattan (qui conduisit à la création de la première bombe atomique) passe accidentellement dans un futur alternatif. Il y découvre que les nazis et les Japonais ont non seulement gagné la guerre, mais qu’ils se sont aussi partagé les États-Unis, sur lesquels ils ont instauré un régime autoritaire et esclavagiste. Pour pleinement apprécier la nouvelle de Cyril M. Kornbluth, il faut se souvenir que les années cinquante ont été marquées, surtout aux USA, par l’escalade des tensions avec le régime soviétique et la crainte d’une guerre nucléaire imminente. Ce contexte permettra de mieux comprendre certains aspects d’une novella très manichéenne et dont la morale reste loin d’encourager les convictions pacifistes indispensables à l’avènement d’un monde meilleur. Cependant, et d’un strict point de vue littéraire, Le Moindre des fléaux est un véritable trésor d’humour cynique, et probablement le récit qui a relancé l’intérêt pour un type d’histoire alternative dans laquelle les forces de l’axe dirigent le monde, une idée que Philip K. Dick reprendra brillamment trois ans plus tard avec tout le succès que l’on connaît… Le Moindre des fléaux mérite que l’on en dise du bien, et nous fait regretter que la carrière de l’auteur se soit achevée si prématurément. Nul doute qu’il serait devenu l’égal des plus grands ! 

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