- le  
ITW James Lovegrove
Commenter

ITW James Lovegrove

Actusf : Comment est venue l'idée d'écrire Gig, une histoire autour d'un groupe de rock et d'une fan de ce groupe ?
James Lovegrove : J’ai moi-même été dans un groupe de 18 à 22 ans. Nous n’étions pas très bons mais nous prenions beaucoup de plaisir à jouer ensemble et à enregistrer nos morceaux (je compose toujours, mais seulement sur mon clavier dans mon bureau et ce n’est pas à l’attention des oreilles de qui que ce soit d’autre !). Je suppose que Gig est une façon de rendre réel le fantasme de devenir une megastar, de matérialiser mon rêve de gloire et de richesse, de faire le tour du monde et d’être entouré de groupies. De plus, j’ai toujours voulu écrire une “nouvelle rock”, parce que tout le monde dit que ça ne peut pas être fait, ou au moins que ça n’a jamais été bien fait, et je voulais prouver que tout le monde a tort. J’aime le challenge.
 
Actusf : Et l'idée de donner une forme palindromique aux deux novellas qui forment le roman ?
James Lovegrove : L’idée d’un roman palindromique m’est venue après avoir beaucoup lu Georges Perec, comme vous pouvez le deviner. Le problème avec Perec et le mouvement Oulipo, c’est qu’ils ont imaginé des concepts géniaux mais n’ont jamais réussi à en faire des bouquins lisibles. De plus, j’avais tout juste publié un roman, Provender Gleed, qui était construit autour d’anagrammes, si bien que j’étais à la recherche d’une autre façon de créer un livre autour du travail sur les mots. Je suis un fan des mots croisés énigmatiques, et j’en ai créé plusieurs pour le journal Independant, et en général j’adore les mots et les jeux autour de ces derniers. Enfin, un peu plus tôt, une de mes novellas, How The Other Half Lives (L’Autre moitié de ma vie) – qui a été publiée par Bragelonne dans l’anthologie Faux Rêveur – avait été rééditée dans un petit format avec une novella de Graham Joyce. Tous ces facteurs ont nourri l’idée de créer deux romans dos à dos et de les écrire tous les deux de façon à ce qu’ils puissent être lus l’un avant l’autre sans importance. Je pensais au début que ça n’avait encore jamais été fait mais j’ai appris plus tard que Philip José Farmer l’avait réalisé avec deux novellas mettant en scène des personnages ressemblant beaucoup à Tarzan et Doc Savage (c’est livre particulière drôle). Toutefois, puisque je m’étais promis de le faire, je l’ai fais. J’étais terriblement excité par l’idée et j’ai travaillé l’ensemble de l’intrigue alors que j’étais en déplacement dans la campagne. Trois semaines plus tard, le livre était achevé.
 
Actusf : Êtes-vous fan de rock ou d'un autre style de musique ? De quels groupes ou chanteurs ?
James Lovegrove : J’adore le rock et la pop, bien que je trouve, alors que je deviens plus vieux et excentrique, qu’il y a de moins en moins de chansons originales et excitantes. Beaucoup des nouvelles choses sur lesquelles tout le monde ne tarit pas d’éloges paraissent, à mes vieilles oreilles, être plus ou moins du même genre que ce que j’écoutais quand j’étais jeune. Je suis fan de la première heure de David Bowie (cet homme est un vrai génie et ses titres m’ont accompagné pendant mon adolescence et ont aidé à enflammer mon imagination SF), j’aime aussi The Divine Comedy (Neil Hannon est un brillant compositeur, avec une voix incroyable), les groupes électro des années quatre-vingt, Prefab Sprout, The Waterboys, Keane, Kate Bush, Kirsty MacColl, a-Ha… Rien de vraiment branché et dans le vent, juste du rock artistique et intelligent. Parmi les nouveaux groupes, mon favori est la bande norvégienne Black Room.
 
Actusf : Dans Days, vous utilisiez une alternance entre deux personnages. Vous allez plus loin dans Gig qui est un double roman. Quel est le sens de cette dichotomie qui caractérise vos ouvres ?
James Lovegrove : J’ai longtemps été fascine par la dualité, les deux faces d’une même pièce, l’équilibre des opposés, le Yin et le Yang… C’est définitivement visible dans Days et Untied Kingdom (Royaume-Désuni), mais Gig est, je pense, le livre dans lequel je l’exprime de façon la plus directe et complète. J’ai développé cet intérêt pour la chose en lisant beaucoup de travaux de critique littéraire et philosophique de Colin Wilson entre vingt et trente ans. Wilson traite ces sujets d’une façon franche et inusuelle, discutant du bicamérisme du cerveau humain ou comparant les pensées conscientes et inconscientes au couple Laurel et Hardy, l’un influençant l’autre. De plus, je suis toujours intrigué par la façon dont s’associent les deux aspects mentaux de mon travail – mes idées et ma capacité à les exprimer -, comment je transforme une idée en mots.

Actusf : Faut-il plutôt lire Mik ou Kim en premier ?
James Lovegrove : Vous pouvez les lire dans l’ordre que vous voulez. Le livre a été spécialement conçu pour cela. Il n’y a pas de « bon » et de « mauvais » ordre. J’ai écris les deux moitiés du livre en même temps, alternativement un chapitre de l’un puis un chapitre de l’autre, si bien que je ne pourrais pas privilégier l’un par rapport à l’autre et penser que l’une des histoires est la principale et l’autre son pendant. C’est intéressant parce que tous ceux qui ont lu le livre disent que l’ordre dans lequel ils ont lu le livre et le bon. L’explication, c’est que les deux moitiés sont complémentaires, mais en même temps chacune raconte une histoire complète qui se suffit à elle-même.
 
Actusf : Aussi bien dans Days, Royaume-Désuni que Gig, vous montrez un avenir plutôt sombre. N'y a-t-il pas d'espoir pour notre société ?
James Lovegrove
: Pas tant que cela, j’en ai bien peur. J’aimerais être plus optimiste au sujet de l’avenir, et parfois je le suis et j’apprécie le besoin et la valeur d’une pensée positive. Etre positif peut vous changer vous, et le monde, en mieux. Mais cela dit, j’ai peur qu’il ne soit trop tard pour la race humaine. Nous sommes trop nombreux et il n’y a pas assez de ressources. Et l’avidité, la recherche du profit et l’égoïsme sont des habitudes trop installées pour que nous puissions les changer, ou du moins pas assez vite pour pouvoir nous sauver nous-mêmes et protéger la planète de la destruction. Notre espèce réussit trop bien à ruiner son environnement et à s’entretuer pour son propre bien. J’aimerais être agréablement surpris. C’est ce qui est si satisfaisant dans le pessimisme. Vous vous attendez toujours au pire, vous ne pouvez jamais être déçu.
 
Actusf : En France, Gig a été édité par un petit éditeur, Griffe d'Encre. Est-ce le genre de structure avec qui vous travaillez régulièrement en Angleterre?
James LovegroveL’Autre moitié de ma vie, pour ne pas citer Gig lui-même, ont tout deux été publié à l’origine par une petite maison d’édition, PS Publishing. Je suis très heureux de travailler avec ce genre de structures qui produisent invariablement des livres magnifiques. Elles prennent le temps de bien faire les choses, alors que les grandes compagnies ne peuvent pas toujours se le permettre, et elles font attention aux petits détails. Oui, il n’y a pas beaucoup d’argent à la clef, mais ces éditeurs sont habitués à prendre des risques commerciaux et à éditer des ouvrages parfois complètement fous ! L’édition à petite échelle est précieuse et devrait être soutenue, surtout en ces temps où la plupart des maisons d’éditions courent après le profit à court terme, publiant des livres affreux d’auteurs affreux (dont beaucoup de célébrités qui savent parfaitement comment faire fonctionner un générateur de textes) et essayant désespérément de copier le dernier best-seller. Elles ne peuvent pas faire attention à l’originalité des récits. Ou alors elles s’écroulent. Les profits sont trop faibles.
 
Actusf : Quels sont vos projets. Sur quoi travaillez-vous ?
James Lovegrove : Je suis actuellement en train d’écrire la suite de The Age Of Ra, qui vient tout juste d’être publié au Royaume-Uni et aux Etats-Unis et qui marche plutôt bien tant en terme de ventes que de critiques. La suite s’intitule The Age Of Zeus et c’est un croisement entre Les 12 Salopards et un comic de superhéros, avec des dieux grecs au milieu. J’en suis presque à la fin, et le troisième et dernier tome de cette trilogie, The Age Of Odin, arrivera bientôt. Au début de cette année, j’ai écri un livre spécialement pour le marché français, commandé par Bragelonne et prévu à la publication pour l’année prochaine. Il s’intitule BetterLife (en fait, je ne suis pas sûr que ce sera son titre français) et c’est une satire de la télé-réalité ainsi qu’une réflexion sur la nature de la chance et la célébrité. C’est la chose la plus proche de Days que j’ai écris depuis longtemps, avec une combinaison similaire des tendances sociales du futur proche et d’une intrigue bizarre.

à lire aussi

Genres / Mots-clés

Partager cet article

Qu'en pensez-vous ?