C’est à l’occasion des 72 heures de la communication que les étudiants de l’Université Jean Moulin Lyon 3 ont mis sur pied une projection en avant-première du film Jodorowsky’s Dune de Frank Pavich. Se focalisant autour d’un projet de film pharaonique qui n’a jamais vu le jour (mais dont l’influence se fait encore sentir aujourd’hui), ce documentaire était un choix particulièrement judicieux, tant l’influence de l’œuvre de Frank Herbert sur la SF est forte, tout comme le statut de réalisateur aussi fou que génial de Jodorowsky annonçait un projet totalement atypique.
Dès l’entrée en scène du présentateur de la soirée, qui annonçait la couleur en demandant au public d’envisager la salle du Comoedia (qui hébergeait la projection et les rencontres qui ont suivi) comme un vaisseau spatial à même de le conduire à travers l’espace et le temps, le décor était posé. Après l’entrée en scène du réalisateur du documentaire, la projection a ainsi pu démarrer.
Je ne reviendrais cependant pas ici sur le documentaire en lui-même, ma chronique du documentaire se suffisant à elle-même. Des réactions des personnes assises à côté de moi (et des miennes), difficile d’imaginer que le projet n’ait pas trouvé son public ce soir-là. Beaucoup d’humour (dans les anecdotes de Michel Seydoux et de Jodorowsky lui-même), un travail de montage assez poussé (animer une partie du storyboard de Moebius, il fallait oser !), une bande son so kraut-rock composée spécialement pour l’occasion, tout concourrait à ce que le film puisse convaincre sur le fond comme sur la forme.
La projection achevée, une table ronde autour de laquelle on pouvait retrouver Frank Pavich (le réalisateur) et Anudar Briséïs, créateur du site La Grande Bibliothèque d'Anudar et grand connaisseur de l’œuvre d’Herbert, a pris la suite du programme. Des échanges particulièrement intéressants, notamment avec Frank Pavich, qui explique le projet comme coulant de source pour lui, grand fan de l’œuvre de Jodorowksy et du mystère qui entoure ce film avorté mais au casting phénoménal (tout comme le matériel de production, à l’instar de ce storyboard imposant qui avait été envoyé aux boîtes de production de l’époque et dont on ne retrouve plus que deux exemplaires). D’autant qu’à l’image de sa manière de choisir son équipe, Jodorowsky a accepté que Pavich se penche sur le sujet après une rencontre, sans se renseigner sur ces travaux préalables. Anudar, quant à lui, a pu revenir sur les autres adaptations connues de l’œuvre, que ce soit au fil des questions du public ou des réponses du réalisateur. Notamment l’adaptation de Lynch, que ce dernier renie lui-même aujourd’hui (et qui n’a plus rien à voir avec le projet du réalisateur franco-chilien).
Cette première phase de discussion a été suivie avec une participation du public, qui disposait d’écriteaux lui permettant de voter pour l’époque à laquelle il aurait aimé voir le projet d’origine être finalisé : en 1975, à l’époque originale, ou en 2016, avec les moyens d’aujourd’hui. 1975 l’emportant haut la main, c’est donc un mini-reportage qui imaginait les réactions du public à la sortie du film dans les années 70 qui a été projeté. Amusant, à défaut d’être vraiment palpitant.
La suite de la soirée s’est axée sur l’impact de ce projet sur la production cinématographique qui a suivie (essentiellement SF), avec des parallèles entre des films postérieur (Terminator 2, Prometheus…) et des éléments originaux du storyboard de Moebius. L’ensemble s’est conclu sur un passage en revue des incontournables du film de SF, depuis la place des vaisseaux spatiaux, d’un certain manichéisme au niveau des personnages, voire de la place de la femme. Pas totalement intéressant, à défaut d’être toujours juste (la place de la femme en SF a évolué depuis les débuts du genre…) et de pointer surtout les créations super-héroïques, laissant de côté pas mal de créations qui n’ont rien à voir avec les héros de DC et de Marvel (même si l’ombre de John Difool, du Méta-baron et des Technopères n’étaient pas très loin).
Reste que, malgré quelques passages superflus, ce genre de soirée, qui fait plus que de proposer la projection d’un film et des questions avec le réalisateur, est à réitérer, car particulièrement à même de contenter les amateurs de cinéma de genre.
C’est ainsi sur l’histoire ce projet pharaonique (au vu des acteurs et professionnels impliqués) et avant-gardiste (on est en 1975, 2 ans avant Star Wars et 4 avant Alien) que se focalise le documentaire de Frank Pavich (réalisateur de NYHC, un documentaire sur la scène du métal hardcore new-yorkais). Revenant brièvement sur le passif de réalisateur de Jodorowksy au moment des prémisses du projet, le documentariste aborde ce film, deuxième projet pour le binôme Michel Seydoux / Alejandro Jodorowsky, après la Montagne Sacrée, comme une oeuvre particulièrement ambitieuse sur le fond comme sur la forme.
Adrien Party