- le  

La Maison Usher ne chutera pas

Langue d'origine : Français
Aux éditions : 
Date de parution : 31/12/1999  -  livre
voir l'oeuvre
Commenter

La Maison Usher ne chutera pas

Lire une nouvelle de Pierre Stolze est un bonheur rare. D’abord parce que ces derniers temps le bonhomme se fait plutôt discret dans le monde de la SF. Pas de grande saga, pas de livre événement, juste quelques textes ici ou là et des critiques régulières pour la revue Bifrost. Mais surtout parce que Pierre Stolze est un véritable magicien transformant ses récits en pur moment de plaisir. Ce recueil en est le parfait exemple. En trois nouvelles et 240 pages, on comprend que le monsieur a un style bien à lui, « Son » style, entre ironie et douceur. Avec simplicité, il nous entraîne en trois temps dans une Lorraine étrange et passionnante. Ici, au détour d’un quotidien qui ressemble furieusement au nôtre, on trouve des armées de petits soldats, des plantes géantes et des trous noirs au milieu des pelouses. Bref vous l’aurez compris, Stolze manie dans ce recueil le fantastique comme d’autres feraient du vélo d’appartement sur leur lieu de travail (1) s’ils le pouvaient, avec légèreté et humour. La peur, l’horreur et le frisson ne sont pas ses chevaux de bataille. Lorsque l’irrationnel rentre en scène dans ses histoires, c’est avec discrétion, presque par la petite porte. D’ailleurs au début, il est complètement occulté par la galerie savoureusement truculente des personnages de l’auteur. Là encore, Stolze échappe aux poncifs. Pas de barbares musclés, pas de professeurs foldingues, pas de mystiques rendus fous par l’occulte, ses héros sont à classer plutôt du côté des «monsieur-tout-le-monde » entre deux âges, menant chacun de banales existences de célibataires. Ils ont juste chacun assez d’humour et d’autodérision pour affronter leur normalité et s’en tirent d’ailleurs assez bien. Tous trois constituent le point de départ et la base des nouvelles. A leur manière et à la première personne, ils nous racontent leurs petites vies avec ironie et douceur avant d’être confrontés au dérapage de la réalité.

Trois nouvelles de qualité...

Pour le premier d’entre eux, c’est une rencontre qui va bouleverser sa vie. Celle de sa nièce en vacances chez lui avec une fille de son âge. Devenues amies, les deux enfants passent leurs temps ensemble au point que la nièce se voit confier un formidable secret. Ils se passent des choses bien étranges dans l’appartement de son voisin, des choses tellement bizarres que la petite fille s’empressera de tout raconter à son oncle. Le logement ne contient que de petites figurines disposées dans des vitrines. Pas de meuble, pas de vêtement, pas de lavabo… rien que des statuettes qui semblent douées d’une vie propre. Elucidation du Gouzipanpan est une nouvelle parfaite pour ouvrir ce recueil. Courte, passionnante et vraiment bien foutue !

La suite est du même acabit. Le Déménagement est là aussi d’abord une question de gens « normaux ». Deux amis partent faire le déménagement de la tante de l’un d’entre eux. Mais en cours de route, les cartons qu’ils transportent commencent à avoir un drôle de comportement. Ils bougent et se soudent entre eux ! Voilà qui promet de mettre de l’animation dans la fourgonnette. Mais quel est ce monstre qui prend forme à l’arrière ? Et quel terrible secret leur cache la tata ? Humour et gros délires en perspective !

Le meilleur est à venir. La Maison Usher ne chutera pas a d’ailleurs eu le prix du jury littéraire de Gérardmer 1999 et c’est amplement mérité ! Plus qu’une simple nouvelle de fantastique, c’est aussi l’histoire des rapports conflictuels entre un père (70 ans, grabataire et formidablement chiant) et son fils (40 ans, toujours célibataire…), où comment se dire qu’on s’aime sans s’engueuler à tout bout de champ ! Métaphore de leur différence, un trou apparaît dans le jardin du père, augmentant et s’approfondissant au fur et à mesure de l’augmentation de leur malaise, jusqu’à menacer d’engloutir la maison. Ici, Stolze explose littéralement, développant tout son art. On rigole franchement, on s’émeut et on dévore cette nouvelle d’un bout à l’autre. Une clôture de recueil en beauté !

Ce que j’en pense

Le fantastique de Pierre Stolze est une gourmandise, quelque chose de rare et précieux que l’on dévore avec frénésie. On pourrait même se demander si son paranormal n’est finalement pas qu’un prétexte à l’exploration des rapports humains. Bref, j’aime beaucoup. Lisez ce recueil, c’est tout simplement passionnant.

Genres / Mots-clés

Partager cet article

Qu'en pensez-vous ?