Actusf : En 2019, les éditions La Volte ont 15 ans. Pouvez-vous s'il vous plaît nous dire un mot sur comment l'aventure de La Volte a commencé ? Imaginiez-vous, il y a 15 ans, arriver où vous en êtes aujourd'hui ?
Mathias Echenay : J’ai créé la Volte avec des amis pour éditer La Horde du Contrevent, et nous permettre de donner de la voix à des fictions selon nos goûts, alors je n’avais pas d’idée précise de ce que ça donnerait.
Actusf : Aujourd'hui, combien de titres sont au catalogue de La Volte ? Cela représente combien d'auteurs ?
Mathias Echenay : L’Invention du représentant de la planète 8 est le 70ème titre de la Volte. En nombre d’auteurs, si l’on compte les nouvelles, notre chemin a dû croiser la route de 50 auteurs, francophones - une majorité - et étrangers.
Actusf : Est-ce que votre ligne éditoriale a évolué ? Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?
"[...] quelque chose qui allie science-fiction et exigence littéraire, la critique sociale et le langage [...]"
Mathias Echenay : Notre ligne apparaît aujourd’hui plus clairement mais encore 15 ans et je vous dirai ! Un goût pour la transfiction, si l’on veut bien reprendre cette approche développé notamment par Francis Berthelot, quelque chose qui allie science-fiction et exigence littéraire, la critique sociale et le langage, c’est très prétentieux de dire ça mais je l’assume.
Actusf : Quel bilan tirez-vous de ces 15 ans ? Qu'est-ce qui a changé dans le monde l'édition de l'imaginaire sur cette période ?
"J’ai l’impression que cela s’ouvre un peu depuis 2 à 3 ans mais cela n’a pas beaucoup, pas assez, évolué."
Mathias Echenay : Ce qui caractérise les 15 ans, c’est ce manque de curiosité et ces clichés vs les littératures de l’imaginaire chez la plupart des médiateurs du livre. Il y a un manque de repères également de la part de ceux-ci dans cette grande marmite qui brasse tellement de choses, de différentes qualités, pour tellement de goûts différents.
La fantasy a beaucoup pris, mais je ne pense pas que ce soit au détriment des autres genres, et la SF que j’aime a du mal à rencontrer un public large (hors exception). J’ai l’impression que cela s’ouvre un peu depuis 2 à 3 ans mais cela n’a pas beaucoup, pas assez, évolué.
Et la mobilisation de quasi tous les éditeurs de l’imaginaire, désireux de partager et de faire connaître nos littératures qui s’infiltrent partout, parfois même dire leur nom.
Actusf : 15 ans et un nouveau roman d’Alain Damasio, Les Furtifs. C’est un beau cadeau d’anniversaire !
Pouvez-nous parler un peu de ce nouveau roman ?
"Qui aurait dit qu’un roman de 700 pages, politique, typographique, sonore, avec un album en plus, aurait ce succès ? Qui l’aurait dit d’ailleurs pour La Horde du Contrevent ?"
Mathias Echenay : C’est un événement pour lequel nous nous sommes préparés avec tous les voltés, et c’est un démarrage en fanfare, comme dans mes rêves les plus fous ! Au top des ventes, 80 000 exemplaires tirés après 2 mois, il passe sur tous les médias – c’est parfois débile de lire « le plus grand écrivain de SF » ; comme il revendique la SF, cela ne peut que donner des ouvertures, même si dans certains médias, on peut imaginer qu’ils n’en reparleront plus pendant des années. Qui aurait dit qu’un roman de 700 pages, politique, typographique, sonore, avec un album en plus, aurait ce succès ? Qui l’aurait dit d’ailleurs pour La Horde du Contrevent ? C’est génial, cela montre pour qui ne le savait pas, qu’il y a des lecteurs, des lecteurs curieux, qui sont prêts à se colleter avec un texte qui demande beaucoup.
Actuf : Comment travaillez vous avec Alain ? Vous lui laissez carte blanche du début à la fin ou vous échangez régulièrement ? Comment cela se passe-t-il ?
Mathias Echenay : Alain n’en fait qu’à sa tête, il a géré tout seul son échange avec la typographe (Esther Szac) et il ne respecte pas forcément les délais, et il demande à plusieurs personnes leur avis au fur et à mesure. Dont le mien. Donc nous échangeons au fur et à mesure, mais je ne me place pas comme un démiurge, l’ Éditeur « qui sait » et dit ce qu’il faut faire : cela n’est jamais ma posture et en plus Alain, comme la plupart des auteurs de la Volte et amis, s’en fout. L’album idem, j’ai eu mon mot à dire mais moins que Yan Péchin, qui en est le réalisateur. Et c’est très bien comme ça.
Actusf : Quels sont vos projets en cours et à venir ?
Mathias Echenay : La poursuite de la collection EUTOPIA, avec une novella de Li-cam pour octobre, un roman qui suit TOXOPLASMA mais n’est pas une suite, de Sabrina Calvo (début 2020), il est très attendu, et, pas du tout attendu, parce que l’autrice est inconnue, Adorée Floupette, dont les textes qui datent du début du XXe ont été retrouvés récemment par Léo Henry, ce sont des enquêtes à Paris qui se déroulent 1891… nous lançons pour la première fois un appel à nouvelles ouvert, pour une anthologie sur la Santé (après celle sur le travail qui est un très bon livre, je trouve). Et Doris Lessing, Jeff Noon, Angélica Gorodischer, Valério Evangelisti, plus un nouveau en France, Stephen Graham Jones. Pour ne citer que ce dont je sois certain à ce jour.
Actusf : Quels seront les temps forts 2019 de la maison d'édition ? Où peut-on vous rencontrer dans les mois qui arrivent ?
Mathias Echenay : Nous serons presque partout, à la fin de l’année vous en aurez assez de nous voir… enfin, j’ai dû décliner des invitations, souvent quand j’avais l’impression que seul Alain Damasio était visé. Sinon quelques salons et festivals pour accompagner nos auteurs et autrices, et fêter nos 15 ans, des librairies (en commençant par celles qui nous accompagnent depuis longtemps), des théâtres, des médiathèques, bref nous effectuons le tour de France, Suisse et Belgique. Hormis Les Imaginales qui ont déjà eu lieu, nos festivités d’anniversaire seront surtout au deuxième semestre avec des rencontres, concerts, expositions. L’idée est de montrer davantage qui nous sommes, et faire découvrir nos livres, de montrer qu’il n’y a pas qu’Alain Damasio à notre catalogue.