Paul McAuley, "La Guerre tranquille" (Bragelonne)

A travers ses personnages, puissants comme le général Arvam Peixoto ou Averne la plus grande des sorcières génétiques, ambitieux comme le diplomate Loc Ifrahim ou le professeur-docteur Sri Hong-Owen, et les "petits" comme la biologiste Macy Minot ou Dave n° 8, l'auteur montre comment tous les personnages, à travers le jeu de leurs égoïsmes et de leurs intérêts personnels, sont tous les instruments les uns des autres et créent une dynamique de conflit impossible à stopper ni même à contrôler. Très vite, le lecteur se prend au jeu des intrigues et des trahisons pour suivre l'évolution des différents protagonistes tant au Grand-Brésil, la puissance terrienne dominante, que dans les villes des lunes saturniennes et se passionne pour l'évolution de cette "guerre tranquille" qui le devient de moins en moins.
La traduction de Jean-Daniel Brèque sert bien le roman et il ne reste qu'à souhaiter que le deuxième volume, déjà écrit par McAuley et sorti en Angleterre, soit très vite traduit et publié afin de nous permettre de savoir ce que deviennent les personnages auxquels nous nous sommes attachés et quelle sera l'évolution du système.

Ayant pris quelque retard dans mes lectures, l'ouvrage d'Oisin McGann sorti au mois d'août m'avait échappé jusqu'à maintenant et c'est bien dommage. Cet auteur irlandais est une découverte pour moi ! Dans "Voraces", il nous introduit dans un univers extrêmement original: nous sommes en Irlande au début de l'ère victorienne, un peu avant la Guerre de Sécession, mais il s'agit d'une Irlande et d'une Terre parcourues par des "mécanimaux", créatures vivantes à la fois animales et mécaniques, dont l'illustre Charles Darwin lui-même n'a pu expliquer l'évolution dans la partie de "L'origine des espèces" qu'il leur a consacré... Le lecteur n'oubliera de sitôt la magnifique scène d'ouverture du livre, la capture et le dressage de la Bête de Glenmalure - un gigantesque vélocycle sauvage qui ravage les campagnes - par Nathaniel Wildenstern, troisième fils d'Edward, duc de Leinster, patriarche de la grande famille Wildenstern, richissime propriétaire terrien contrôlant d'énormes intérêts dans les Amériques et en Afrique. Et nous découvrons petit à petit ce monde dominé par les cartels de quelques grandes familles marchandes dont les membres bénéficient d'une longévité et d'une résistance hors du commun, dans le cas des Wildenstern l'or est le métal dont l'application leur permet de récupérer plus vite de leurs blessures.
La famille Wildenstern a érigé l'assassinat de ses proches pour accéder à de plus hautes fonctions en règle de vie et de fonctionnement parfaitement codifiées, du darwinisme social avant la lettre. Nathaniel se retrouve donc confronté à l'assassinat de son frère aîné dont tout le monde pense qu'il est responsable: il doit retrouver l'assassin tout en défendant sa propre existence, celle de son second frère, le nouvel héritier, et celle de sa soeur cadette. Oisin McGann, très finement, nous fait découvrir en parallèle les activités répréhensibles - le vol - d'une famille très pauvre, dont les actions, interprétées à travers le prisme paranoïaque des Wildenstern, aboutissent à des résultats dramatiques exposés de manière souvent cocasse. S'y ajoute la découverte de 4 ancêtres Wildenstern dont les corps ont été parfaitement conservés dans les marais tourbeux et dont Gérald, grand médecin et cousin de Nathaniel, va s'occuper avec des résultats aussi surprenants que désastreux. Percera-t-il ainsi le secret de la biologie très particulière des Wildenstern ? Réussira-t-il à percer le mystère des mécanimaux à travers ses expériences à la Victor Frankenstein ?
Une fois commencé le livre, on se laisse fasciner par cette intrigue violente et complexe, ce monde si proche du nôtre et si différent, ses personnages à la personnalité forte sans jamais être caricaturale. Une grande réussite, qui nous laisse sur notre faim en se terminant par un grand nombre de questions sans réponse: j'ai vu sur le site de l'auteur que le second volume est déjà sorti en anglais et j'espère bien qu'Audrey Petit, la directrice de la collection grâce à qui nous avons découvert cette saga, va bientôt nous offrir en français cette suite.
La famille Wildenstern a érigé l'assassinat de ses proches pour accéder à de plus hautes fonctions en règle de vie et de fonctionnement parfaitement codifiées, du darwinisme social avant la lettre. Nathaniel se retrouve donc confronté à l'assassinat de son frère aîné dont tout le monde pense qu'il est responsable: il doit retrouver l'assassin tout en défendant sa propre existence, celle de son second frère, le nouvel héritier, et celle de sa soeur cadette. Oisin McGann, très finement, nous fait découvrir en parallèle les activités répréhensibles - le vol - d'une famille très pauvre, dont les actions, interprétées à travers le prisme paranoïaque des Wildenstern, aboutissent à des résultats dramatiques exposés de manière souvent cocasse. S'y ajoute la découverte de 4 ancêtres Wildenstern dont les corps ont été parfaitement conservés dans les marais tourbeux et dont Gérald, grand médecin et cousin de Nathaniel, va s'occuper avec des résultats aussi surprenants que désastreux. Percera-t-il ainsi le secret de la biologie très particulière des Wildenstern ? Réussira-t-il à percer le mystère des mécanimaux à travers ses expériences à la Victor Frankenstein ?
Une fois commencé le livre, on se laisse fasciner par cette intrigue violente et complexe, ce monde si proche du nôtre et si différent, ses personnages à la personnalité forte sans jamais être caricaturale. Une grande réussite, qui nous laisse sur notre faim en se terminant par un grand nombre de questions sans réponse: j'ai vu sur le site de l'auteur que le second volume est déjà sorti en anglais et j'espère bien qu'Audrey Petit, la directrice de la collection grâce à qui nous avons découvert cette saga, va bientôt nous offrir en français cette suite.
Robin Hobb, "Dragons et serpents. Les Cités des Anciens 1" (Pygamlion)

Le lecteur se prend très vite au jeu et se passionne pour ces personnages attachants et curieux, qu'ils soient humains ou jeunes dragons luttant dans un environnement hostile, dans un monde bien décrit et qui nous intrigue. Je suis maintenant très impatient de commencer à avoir des réponses à toutes les interrogations que soulèvent ce premier volume que j'ai lu sans vraiment pouvoir m'interrompre. Fort heureusement, Pygmalion annonce la sortie du tome 2 "Les eaux acides" pour la mi-novembre, encore quelques semaines à attendre, elles seront longues...
Le Dragon des Arcanes de Pierre Pevel

Je viens de terminer la lecture du"Dragon des Arcanes", dernier volume d'une trilogie superbe intitulée "Les Lames du Cardinal" (vol. 1 "Les Lames du cardinal", vol. 2 "L'Alchimiste des Ombres", tous trois chez Bragelonne).
Pierre Pevel aime les dragons - on se souvient de sa magnifique trilogie de Wielstadt - et il revisite avec bonheur "Les Trois Mousquetaires" de Dumas en y introduisant ses créatures favorites et en se plaçant plutôt du côté du cardinal. Nous sommes dans le Paris de Louis XIII où cohabitent humains, dracs (des êtres reptiliens) et dragons (êtres supérieurs qui peuvent prendre l'apparence d'humains). Les Lames du Cardinal de Richelieu sont une équipe d'intervention très spéciale, chargée d'exécuter les coups tordus du Cardinal et ils sont nombreux. Nous les suivons à travers un dédale d'intrigues qui s'entremêlent pour notre plus grand plaisir: celles de Richelieu bien entendu, celles du roi, celles de la cour d'Espagne à la solde de la loge secrète des dragons de la Griffe noire, celles des Arcanes à l'intérieur de celle-ci, celles de la belle Alessandra, celles des gardiens, celles des Châtelaines et celles des Lames qui ont différents agendas que nous découvrirons petit à petit. Toute la force de l'auteur réside dans ces personnages attachants, que ce soient les héros principaux ou les acteurs secondaires, que ce soient les "bons" ou les "méchants", qui évoluent lentement par la force des choses, par les pressions extérieures et par leur cheminement psychologique. Les notions de bien et de mal se retrouvent mises à mal car la raison d'état et les raisons du coeur prennent le pas - comme dans la vie réelle - sur la morale. Commencée avec un certain humour dans le premier volume, l'atmosphère de la série s'assombrit au fur et à mesure de l'aggravation de la situation pour le royaume de France. Certes les personnages continuent de boire et de faire ripailles, mais le coeur y est de moins en moins. Pierre Pevel nous décrit dans leurs moindres détails le Paris et la France de Louis XIII en les modifiant subtilement grâce à la présence draconesque. Les scènes d'action et de combat sont magnifiques, certains tableaux comme les cérémonies magiques ou le siège de Notre-Dame resteront dans tous les esprits.
Voilà l'un de ces livres dont on se dit: "Allez, encore juste un chapitre" avant de réaliser que l'on vient de passer une nuit blanche pour le lire d'une traite et regretter: "Déjà fini !".
Mais rappelons à Pierre Pevel qu'après "Les Trois Mousquetaires" il y a eu "Vingt après" puis "Le vicomte de Bragelonne"... Nous pouvons donc espérer :-)))
Block 109 et Étoile rouge, scénario de Vincent Brugeas et dessin de Ronan Toulhoat, Editions Akileos, 2010


La série devrait comprendre au total 3 albums supplémentaires, éclairant chacun un point particulier de cette histoire alternative fort cohérente et fort sombre exposée dans le premier volume. Avoir foi en l'avenir de l'humanité est un acte désespéré et désespérant dans cet univers glauque où l'homme renaîtra, comme le phénix, littéralement, de ses cendres. La philosophie sous-tendant la solution proposée est certainement politiquement incorrecte aujourd'hui mais transcende les barrières politiques puisqu'on la retrouve aussi bien chez les écologistes extrémistes, partisans de la disparition de notre espèce pour sauver tout le reste, que chez les plus enragés des nazis partisans d'une solution finale élargie...
Une uchronie dérangeante, à découvrir !

Cette rentrée littéraire est, dans les genres que nous aimons, d'une qualité remarquable ! Je viens de lire - un de plus - un très beau livre, celui de Fabien Clavel, "Le Châtiment des Flèches" (Pygmalion Fantasy). Une belle fantasy historique, originale car elle se situe dans la Hongrie de l'an 1000, au moment de la conversion de ses populations grâce à l'action de son roi, Etienne, qui sera ensuite canonisé. L'auteur met en scène le roi et ses opposants, transformant à petites touches l'histoire que nous connaissons en un combat entre la religion antique chamanique des Magyars et la nouvelle religion du Dieu unique, entre le traditionalisme des vieux guerriers et la modernité incarnée par les chevaliers bavarois, entre la culture locale et les influences étrangères imposées, entre le respect de la nature et le gâchis des ressources au travers de la domestication de celle-ci par l'homme (l'extermination des troupeaux d'aurochs en est un exemple magnifique dans le roman). D'une écriture superbe, avec des scènes grandioses, des combats épiques et des envolées lyiques, Fabien Clavel nous conte la lutte d'Etienne contre ses rivaux des autres tribus, son combat spirituel de chrétien convaincu contre le grand esprit magyar incarné par le rapace géant Turul, dans un monde où domaines spirituel et temporel sont indissociables, où les frontières entre le bien et le mal sont tellement entremêlées qu'elles en deviennent totalement indistinctes pour les protagonistes: l'auteur met en scène, avec le personnage central - et fictif - de Farkas l'archer extraordinaire, de manière poignante, le dilemne qui se pose face à une évolution à marches forcées et les choix forcément cornéliens qui en découlent. Tout le roman, qui est d'une actualité saisissante par rapport à notre monde contemporain, et utilise comme fondation les chroniques de l'époque et des travaux historiques, nous amène à la conclusion que les vrais monstres ne sont pas ceux des créations littéraires mais des hommes, les fanatiques qui veulent à toute force le bien de leurs semblables, leur conception du bien étant, naturellement, la seule valable.
Illustré par une belle couverture d'Alain Brion, voici un roman que l'on n'oubliera pas de sitôt.
Jean-Luc Rivera
Jean-Luc Rivera