Philip K. Dick fut l'un des auteurs les plus régulièrement adaptés au cinéma, pour le pire et pour le meilleur. Du Blade Runner de Ridley Scott (1982) à Next (2007) en passant par Planète hurlante (1996), du grandiose au sinistre, peu sont les réalisateurs qui ont réussi l'alchimie subtile consistant à marier les interrogations existentielles posées par l'auteur aux scènes d'action indispensables aux films hollywoodiens à gros budget. Le cinéma, c'est néanmoins l'angle d'attaque choisi par les éditions Folio qui nous offrent ce mois-ci une édition bilingue des nouvelles qui ont inspiré les films Minority Report (Rapport minoritaire) et Total Recall (Souvenirs à vendre).
Vous rêvez de lire Philip K. Dick dans la langue mais vous avez peur que votre niveau d'anglais ne vous suffise pas à suivre les élucubrations paranoïaques de l'auteur de Ubik ? Alors cette réédition est faite pour vous ! Pour ceux qui l'ignoreraient, le principe de la collection Folio Bilingue est de proposer la version originale d'un texte, mais aussi sa traduction en vis-à-vis d'une page sur l'autre, ce qui économise les recours fréquents au dictionnaire. On ne peut que se réjouir, bien sûr, de voir deux textes de science-fiction recevoir les honneurs de cette collection très grand public. Et ce, même si c'est visiblement moins la qualité des textes sélectionnés que la notoriété des adaptations qu'on en a tiré qui leur valent les dits honneurs.
Souvenirs minoritaires
John A. Anderton est le responsable de Precrime, un organisme policier capable de prévoir l'avenir à court terme et donc d'arrêter les meurtriers avant même qu'ils ne commettent leurs crimes. Rien toutefois n'aurait pu lui permettre de prévoir ce qui arrive ce matin-là : les precogs l'accusent d'un meurtre qu'il n'a aucune intention de commettre et Precrime se lance à sa poursuite. D'autant que l'homme qu'il est censé tuer lui est parfaitement inconnu.
Dans un futur plus éloigné, Douglas Quail est obsédé par l'idée de visiter la planète Mars, un rêve que son statut de petit fonctionnaire ne lui permet pas de réaliser. C'est sans compter sur la société MémoiRe qui propose d'implanter à ses clients des souvenirs factices qu'ils n'ont jamais vécus mais auxquels ils croiront dur comme fer. Une solution certes moins onéreuse qu'un voyage sur Mars, mais qui n'est pas sans effets secondaires.
Nouvelles à vendre
Voilà donc deux textes classiques de Philip K. Dick, par ailleurs déjà disponibles dans de nombreux recueils, qui paraîtront probablement bien simples au regard des scenarii qui en ont été tirés. Une simplicité qui en fait toutefois d'excellents textes d'introduction à l'œuvre de Dick, ou tout simplement à la science-fiction - en tout cas à une science-fiction dotée aujourd'hui d'un certain charme désuet, puisque les voyages interplanétaires y côtoient naturellement les machines à écrire et les cartes perforées.
Si ces deux textes peinent à provoquer les vertiges métaphysiques auxquels Dick nous a habitué dans d'autres récits (notamment Ubik), on y devine néanmoins certaines de ses grandes thématiques, parmi lesquelles l'interrogation sur l'identité et la perception de la réalité. Et, là où Souvenirs à vendre se veut plutôt humoristique, Rapport minoritaire recèle d'une véritable réflexion sur la présomption d'innocence, doublée d'une certaine prise de recul sur l'enthousiasme que suscitaient à cette époque les miracles de la technologie.
Signalons à toutes fins utiles une brève mais très efficace préface dans laquelle Sébastien Guillot revient sur les différents films inspirés des oeuvres de Philip K. Dick, ainsi qu'un beaucoup moins indispensable cahier de photos tirées des adaptations en question. A choisir, tant qu'à axer cette réédition sur le cinéma, on aurait préféré moins de Tom Cruise et plus de Sébastien Guillot avec, pourquoi pas, une analyse comparative plus développée des différents films cités. Mais l'incursion de la science-fiction étant rare dans ce genre de collection grand public, on ne va pas non plus bouder notre plaisir.
Enfin, remarquons tout de même à l'attention de ceux qui seraient intéressés par ces nouvelles, mais qui n'auraient que faire du vis-à-vis anglais, qu'ils pourront retrouver ces deux textes ainsi que sept autres nouvelles de Philip K. Dick dans le Folio SF n°109, pour un prix strictement identique.
Cinéma