Mon très cher papa, toi qui a rejoint la psychosphère depuis plus d’un mois maintenant, pardonne-moi de ne pas t’avoir écrit d’hommage plus tôt.
Mais c’est dur, tu sais. Tu ne m’en veux pas, pas vrai ? Tu me comprenais toujours, je ne vois pas pourquoi ça cesserait, même maintenant. Peu importe où tu es, que tu sois dans le ciel, dans l’univers, une simple poussière, voire que tu ne sois plus rien du tout.C’est idiot d’ailleurs, parce que tu seras toujours quelque chose. Pardon, quelqu’un. Tu demeures à jamais et pour l’éternité le seul et unique papa de ma vie, et ce cadeau que tu m’as fait en me donnant la vie, je le conserverai comme le plus précieux des trésors.
Je suppose que tu le sais mais je voudrais te le dire une dernière fois. En fait non, ce ne sera même pas la dernière parce que je l’ai pensé à chaque seconde qui a passé durant ces dix-huit années que j’ai eu la chance de partager avec toi -même à temps partiel vers la fin- et que ce n’est pas près de finir.
Je t’aime.
Si je devais vraiment faire ça sérieusement, ce n’est pas un simple petit texte que j’écrirais mais un véritable roman. Enfin, là je suis rentrée en prépa -tu es fier, hein ?- et je n’ai pas vraiment le temps. Et puis je crois bien que je ne me suis pas non plus remise, que je n’ai pas encore suffisamment digéré ta subite disparition là, devant mes yeux impuissants. Peut-être même que je n’aurai jamais le courage de t’écrire vraiment un roman. Qu’à cela ne tienne, je sais que je peux compter sur bien des gens pour te rendre des hommages avec des bouquins. Tu les as vus, tous ces beaux hommages pour toi, partout ? Tu les mérites amplement, n’essaie même pas de penser une seconde le contraire. Dès le premier jour où tu es parti, tu as laissé bien des larmes et des peines derrière toi. Tu ne l’as pas fait exprès, je ne t’en veux pas ne t’inquiètes pas. D’ailleurs, c’est difficile de ne pouvoir en vouloir à personne, j’aurais bien aimé reporter ma colère sur un responsable. La pluie ? La butte de béton ? La faute à pas de chance ? C’est ridicule.
De toute manière je ne devrais pas être en colère, parce qu’au moins maintenant tu ne souffres plus. Tu n’as même pas eu le temps de te rendre compte que tu quittais ce monde, donc je peux être tout de même soulagée. Il y a plein de choses qui font que ma peine est un peu allégée. C’est en grande partie grâce à toi. Oui, je pense que tu m’as vraiment bien préparée à tout ça, même si on ne s’attendait ni toi ni moi à se dire adieu si vite. Tu avais encore trop de choses à m’apprendre, vilain !
Bref, je parle, je parle -enfin j’écris-... remarque, tu étais plus bavard que moi.
Dans la plupart des hommages qu’on t’a fait, les gens racontent leur première rencontre avec toi, qui a souvent été marquante. Moi je ne peux pas, tout simplement parce que notre première rencontre, je ne m’en souviens pas. Aussi loin que remontent mes souvenirs, tu as toujours été là. Tu as toujours été la moitié de mon univers et je n’aurais changé ça pour rien au monde. Bon, on m’a un peu beaucoup forcé la main, malheureusement. J’avais encore besoin de toi, tu sais. C’est pas parce qu’on a dix-huit ans qu’on est adulte. C’est pas parce qu’on rentre en prépa qu’on sait se débrouiller seul. Enfin, à mon avis tu le sais très bien tout ça. Je suis sûre que tu dois être bien, où que tu sois. C’est aux vivants de porter ce poids.
Je ne veux pas te parler de choses malheureuses, parce que tu n’étais pas quelqu’un qui aimait ça. Toi tu préférais rire, c’était tellement bien. Qui me fera "poup" sur le nez maintenant ? Qui se moquera gentiment de moi ? Il y a trop de gens à qui tu manques, mais je pense que c’est quand même pire pour Sylvie et moi. Tu es d’accord, non ?
Alors vas-y, va te boire une bière dans la psychosphère et tape-toi une franche rigolade avec grand-père peut-être ? et tous les autres, tous les gens géniaux ou que tu aimais et qui sont partis aussi. Tu diras merci à Nono pour les cours de guitare, et puis n’oublie pas la caresse à Mousse !
Et puis une dernière fois, parce que tu n’as jamais cessé de me le dire et que je n’ai jamais cessé de te rendre ton regard plein d’amour et de fierté, je t’aime mon papa.
Natacha
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Il y a des jours comme ça. Des jours où le besoin de souvenir d’amitié vous domine.Facile c’est comme dans un vieux romans de SF il suffit de cliquer de taper un nom et voilà, la petite boîte magique vous répond que c’est trop tard. Il est mort. Roland est mort. Avec lui l’adolescence part un peu plus devient plus diffuse. Roland c’était nos vingts ans, Clamart, la bande, les amis, les boums dans le sous sol, les disques les fous rires, sa piaule au mur couvert de livre et un phono qui crachait du Ramones et autre Bijou au grand dam de son papa qui aimait bien la musique mais pas poupoumpoum cela lui faisait mal à la tête. Cétait les premiers essais corrigés vite fait, la jeunesse éclatante qui nous rendait beaux. Adieux et à bientôt Roland.
Didier-louis Richard
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Roland, depuis que j'ai découvert ton départ pour le grand bol de soupe, j'arrive pas vraiment à y croire. A tel point, qu'il m'a fallu plusieurs jours avant d'écrire ces quelques lignes.
Je fais pas partie des grands anciens du fandom qui ont la chance de te connaitre depuis les années 80 voire 70, mais je ressens moi aussi une absence qui me surprend par sa violence.
Je t'ai vu pour la 1ère fois lors de la convention de 2000 à l'Isle sur la Sorgue, mais je ne t'ai pas vraiment approché cette fois-là. C'était ma 1ère convention et même si j'étais un lecteur assidu de frasf, je suis pas sûr d'avoir associé le RCW de frasf avec le grand échalas avec ses t-shirts psychédéliques et son pantalon à rayures qui tenait conférence sous l'unique arbre à proximité du gymnase de la convention.
C'est lors de la 2nde convention en 2004 (et en fait à Entraigues) que j'ai eu l'occasion de te parler plus et, comme tant d'autres avant, de découvrir l'homme. Ca faisait pas très longtemps que je connaissais l'auteur. Je ne sais plus quand j'ai commencé à lire "Les Futurs Mystères de Paris", mais il me semble que c'était peu de temps avant cette convention. Et j'ai pris une de ces claques ...
Mais en fait, c'est le retour en voiture à Cognac qui fait partie de mes meilleurs souvenirs de conventions.
Rien que le départ de la convention qui a pris pas loin de 2 heures était épique.
Ensuite, je me souviens plus des détails de la(les) conversation(s) qu'on a eu pendant des heures dans la voiture, mais je pense que c'était pas le contenu le plus important à ce moment là.
Ce dont je suis sûr, c'est que sans toi pour prendre le relais au volant, je serai jamais rentré en temps et en heure aux Sables d'Olonnes. Et dire qu'au hasard des hommages que j'ai lu ces derniers temps, j'apprend que tu n'aurais pas le permis ?
Et ton accueil à plus de 3H du mat' à Cognac avec Sylvie et le grand café salutaire pour me permettre de faire mes derniers 200 km n'est surement pas pour rien non plus dans ce que je ressens en écrivant ces quelques lignes.
Bon, je suis pas vraiment doué à l'écrit, donc je vais arrêter là.
Courage à toi Sylvie, à ta fille Natacha et à toute ta famille.
Stéphane Hamille.
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Je connais Roland depuis une vingtaine d'années, mais le total de nos conversations privées, toujours lors de conventions ou festivals, ne doit pas excéder une heure. Autant dire que je ne comptais pas parmi ses intimes. Néanmoins, comme beaucoup d'entre vous, j'ai l'impression d'avoir perdu un vrai, un véritable ami.
Quelques moments dont je me souviens:
- au début des années 1990, ma première rencontre avec Roland: Patrice Verry, avec qui je venais de déjeuner dans une pizzeria de la N20 (il bossait alors du côté de Fontenay-aux-Roses), m'entraîne chez Roland, dans son appartement de Bourg-la-Reine, pour jouer avec son Mac Intosh...
- août 1999, convention de Lodève: alors que je viens de remporter le prix Rosny-Ainé de la nouvelle, Roland, finaliste dudit prix, vient me parler en aparté, et loin de m'en vouloir passe avec moi un pacte d'amitié, comme j'en ai rarement reçu de toute ma vie (sans même parler du milieu SF). C'est sans doute le souvenir le plus fort que je garde de cette convention, excellement organisée par Claude Ecken.
- après une décennie d'absence du milieu, je reviens au festival de Sèvres 2009 et Roland me tombe dans les bras, appliquant à la lettre le protocole du pacte passé dix ans auparavant. Son "Jean-Jacques!" joyeux et dépourvu de toute arrière-pensée résonne encore à mes oreilles, éveillant en moi la même "boule de chaleur" intérieure dont parle André-François Ruaud dans son blog (voir lien plus haut).
- la dernière fois que je l'ai vu: Sèvres en décembre 2011. J'en profite pour lui faire dédicacer "Rêves de gloire", lui disant que c'est la première fois depuis très longtemps qu'un roman de SF française me fait autant envie. La lueur dans son regard à ce moment-là, son sourire et sa joie, je ne les oublierai jamais...
Mais voilà, je n'en commence la lecture que début août, et c'est entre deux chapitres que j'apprends la tragique nouvelle.
Trop tard pour lui donner un jour mes impressions (c'eût été à Sèvres 2012 probablement)... Et "Le train de la réalité" sera le premier de ses volumes en ma possession qui ne sera jamais dédicacé.
Au revoir Roland, je pense à ta famille, à ta fille, et à Sylvie aussi, bien sûr...
Jean-Jacques Nguyen
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Quel âge avais-tu ? C’était au festival de la SF et de l’Imaginaire, à Metz, dont j’étais alors l’attachée de presse sous la houlette de Philippe R. Hupp, son grand ordonnateur. Tu paraissais si jeune. Ce devait être en 1979… Tu n’avais pas vingt ans. On avait discuté, auteurs, littérature, écriture, cinéma, j’aimais ton enthousiasme, ta faconde, cet œil amusé que tu portais sur tout. Tu étais fauché (as-tu jamais cessé de l’être ?), et je t’avais donné je ne sais plus quelle invitation, pour assister aux séances de cinéma ou participer à un cocktail. Ta reconnaissance était un vrai bain de fraîcheur.
Plus tard, annonçant ton âge à Alain Garsault qui était traducteur, critique et surtout lecteur de maison d’édition, j’appris qu’il avait eu l’un de tes manuscrits en lecture et que s’il avait connu ce paramètre, il aurait sans doute rendu un rapport positif.
Peu importe, tu ne devais pas tarder à publier professionnellement ta première nouvelle, couronnée tout de suite par le prix Rosny. Tu me talonnais à trois ans d’écart ! Et tu me rejoindrais vite avec ton premier roman, Le Serpent d’angoisse.
Entretemps, tu avais fait feu de tout bois. Le rock, la SF et les substances psychédéliques se mariaient joliment, explosifs, et on s’amusait ferme, entre deux concerts de Brain Damage et deux épisodes du Cycle du Fandom où tu mettais « Miss Wintrebert en danger ! » Je ne me souviens plus qui me sauvait. SuperJouanne ? J’adorerais relire ces épisodes, engloutis par le trou noir de quelque déménagement.
Ensuite, tu as amplement rattrapé ces années de gosse où tu avais écrit sans être publié. Des livres, des livres, encore des livres… dont les titres seuls suffisaient à nous faire rêver. Avec toi, on embarquait toujours pour des voyages fous. Et on continuait de rire !
Et puis, on a décollé pour la psychosphère avec Tem. Quelle trouvaille, ce détective transparent, et cet univers si décalé et pourtant si proche !
J’aimais à la folie ta façon de t’habiller, et je ne peux m’empêcher de penser, avec le recul, que si tu choisissais ces fringues baroques, c’était peut-être par peur de glisser « entre les mailles du tissu de la réalité », comme ton perso préféré.
Rêves de gloire a prouvé que tu maîtrisais tous les plans de ta réalité profuse.
Lutin, tu nous laisses orphelins, mais on te sait près de nous, là, dans la psychosphère.
Joëlle Wintrebert
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Je ne connaissais pas beaucoup Roland que j’ai croisé deux ou trois fois dans des salons de Sf ou de Fantasy, un peu plus son amie Sylvie Denis. Comme nous tous, sa mort m’a bouleversée. C’est injuste et brutal. Il était si talentueux, il avait beaucoup d’autres livres à écrire. J’aimais bien son côté charmant, doux, enfantin, un peu décalé. Merde, fais ch...
Je pense chaque jour à Sylvie, au chagrin qu’elle doit ressentir. Je n’ai pas encore osé me manifester auprès d’elle. Que dire ? On se sent si démuni face à ce drame. Mes pensées accompagnent Roland, qui, j’en suis sûre, a dû trouver un bar et un beau jardin avec des plants d’herbe luxuriants là où il est.
Jeanne Faivre d'Arcier
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Cher Roland,
Te souviens-tu de notre première rencontre ? Je m’en rappelle comme si c’était hier. Sophia Antipolis, début septembre 1994, lors de la Convention Nationale de Science-Fiction. Tu fus, avec Norman Spinrad, l’un des deux premiers écrivains que j’eus l’occasion d’interviewer.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que tu ne passais pas inaperçu ! Avec tes vêtements aux couleurs vives et flashy — style chemises hawaïennes — tu te parais d’une exotique et rafraîchissante excentricité dont tu ne t’es jamais totalement départie.
Lorsque je commençai à te balancer mes questions, tu m’interrompis gentiment pour me demander de te tutoyer — "le vouvoiement me donne l’impression d’être vieux". Tu m’excuseras si ce ne sont pas là tes mots exacts, c’était il y a dix-huit ans... ou plutôt, le mois prochain, cela aurait fait dix-huit ans...
Nous ne nous sommes malheureusement pas très souvent croisés, juste de temps à autre au gré de diverses conventions, mais ce fut toujours avec beaucoup de plaisir.
Lorsque je proposai l’idée d’héberger des sites d’auteurs sur l’Encyclopédie Icarus (aujourd’hui devenue nooSFere) en 1998, tu fus l’un des premiers à me faire confiance et à te lancer dans l’aventure. D’ailleurs, tu nous es resté fidèle, puisque ton site s’y trouve encore à ce jour !
Outre l’amour de l’écriture, du rock et de de la SF, nous avions un autre point en commun : le végétarisme. Je le découvris, avec surprise, lorsqu’un service végétarien manqua lors d’un repas et que tu m’échangeas le tien contre du poisson (que je ne mange pas, mais toi si).
Avec mes nombreux déménagements et voyages, nous nous sommes perdus de vue pendant plusieurs années. Nous nous sommes enfin recroisés à Nantes, aux Utopiales, dix ans après notre dernière rencontre... Certes, tes cheveux étaient désormais grisonnant et tes tenues quelque peu moins flashantes, mais tu m’accueillis comme un vieil ami perdu de vue. Tu pris du temps sur ton planning très chargé pour discuter avec moi quelques instants.
Notre dernière rencontre, très (trop) brève, fut — une fois de plus — aux Utopiales, il y a moins d’un an. J’eus juste le temps de te féliciter pour ton (double) Prix obtenu pour "Rêve de Gloire" — et, toi, de me faire la bise. Une marque d’affection qui m’a surpris et beaucoup touché.
Malheureusement, il n’y aura plus de bises. Plus de tutoiement. Plus de rencontres. Plus de romans, non plus, car je les appréciais aussi énormément, tes romans... Plus rien, en fait, outre les souvenirs.
Si je devais te décrire en quelques mots — difficile exercice — je m’aventurerais à lancer ceux-ci : accessible, franc, engagé, loyal et drôle. Sûrement d’autres, qui te connaissaient mieux que moi, pourraient être plus précis. Mais, tout cela, c’est déjà beaucoup !
Alors je voudrais te remercier, ici, une dernière fois, pour tout. Tes livres, ton amitié, ton irrésistible franc-parler, tes coups de gueule d’une pertinence indéniable, ton amour de l’écrit et de la musique... Bref, merci, et adieu. Tu vas terriblement me manquer... et pas qu’à moi, d’ailleurs, c’est certain !
Alexandre GARCIA
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Roland a rejoint TEM dans la psychosphère…
Pourquoi et comment devient-on inconditionnel de quelqu'un…? Moi, pas coureur de forums, pas membre très actif du fandom, pas très rock, pas fumeur de quoi que ce soit ni buveur au delà d'un verre, moi avec ma distance ou distanciation (mais quand même bien imprégné de SF), j'adore Roland. Il n' y a pas d'autre mot : j'aime ce type.
Un jour, à l'occasion de je ne sais plus quelle manifestation SF, Roland m'a dit "Je rêve d'un truc, c'est que tu fasses les couvertures de TOUS mes bouquins." Qu'est-ce que vous voulez redire à ça ? Je n'avais alors fait, peut-être, que "Ce qui n'est pas nommé" sur Bifrost. J'ai dit banco et depuis je n'ai pas vraiment arrêté. Quand il a été question de la réédition et suites des Futurs mystères de Paris chez L'Atalante, j'ai un peu eu la trouille, quand même. Et je me suis bien pris la tête pour trouver une manière de traiter ça, avec ses aspects kaléidoscopiques, psychédéliques, informatiques, psychosphériques, passe-muraille et pop… rigolos et, par derrière, noirs. Mais je me régale bien à faire ça. (Hum… je me régalais bien… voilà qu'il faut que j'apprenne à ma dire : c'est fini… sauf s'il reste des morceaux inédits quelque part… dites-moi…)
Pour les nouveaux épisodes, Roland m'envoyait son texte par le net et par morceaux, si bien que parfois j'avais fait ma couverture avant qu'il ait fini son bouquin. Du coup, je pouvais faire le relecteur et lui signaler un petit coupé/déplacé mal placé… ou inventer un truc visuel pour la couv, qu'il intégrait ensuite dans son texte, comme le "charobase" tagué sur le mur de Babaluma… roman pour lequel il m'avait d'ailleurs envoyé les photos de son propre chat… (Bricoles anecdotiques qui sont là juste pour dire que ça marchait entre nous, comme ça, simplement, l'amical et le professionnel tout en un, comme il pouvait le faire avec tout le monde, en fait…)
Quand, avec Vatine et Blanchard, on préparait mon recueil d'illustrations Kronozone, ils ne voulaient pas trop de ces illustrations très informatiques pour les Futurs Mystères, les trouvant "atypiques". Eh oui ! Atypiques… ça doit pas être par hasard. Mais comme j'avais demandé la préface à Roland, il fallait bien qu'ils en prennent une ou deux !
Cette année, j'avais déjà perdu Mœbius. Avec lui aussi, il y avait amitié de cœur et reconnaissance artistique et professionnelle. Et quand il est mort, je ne l'avais pas vu depuis des années… c'est un regret. Roland, au moins, il y a ça : on s'était vus il n'y a pas longtemps, l'an dernier 2011, à Angers pour la convention ImaJn'ère, où j'exposais. On avait dédicacé ensemble, Mireille de L'Atalante avait apporté Rêve de Gloire en avant-première, Sylvie était là, et Natacha (que Roland couvait d'un regard de père tout fiérot). J'ai pu à cette occasion, lui faire la surprise : il est reparti avec ma couv pour "Poupée aux yeux morts", acrylique qui était restée longtemps encadrée dans mon salon. ("Bon, je l'ai assez vue, cette couv… autant qu'il en profite à son tour… Logiquement, vu la différence d'age, il devrait en profiter plus longtemps que moi", me disais-je… merde !)
Tout cela n'empêchant pas de boire des coups ensemble et d'échanger des calembours vaseux ou différentes conneries : "Tu as la TNT, tu dois regarder "Les démolisseurs de l'extrême !" (rires). Sans oublier la soirée "au chapeau vert" chez l'autre "homme au chapeau", où, après que Roland nous ait sorti une chanson gentiment anti-sarkozyste, on n'en attendait pas moins de lui, on a enchaîné avec du Bobby Lapointe et autres. (Le Maine-et-Loire, seins en poire et angevine de poitrine étaient inévitables…) Le chapeau est passé, non pour quêter, mais de tête en tête… les photos sont là pour en attester.
Depuis, et c'est bien la dernière fois que je l'ai vu, Roland était passé à Montpellier pour présenter Rêve de Gloire au sein de la librairie Sauramps et échanger avec Michel Jeury pour un petit public choisi, le tout suivi par un dîner restau…
Des souvenirs anodins comme ça, il m'en revient-reviendra.
J'ai la photo de la convention de L'Isle-sur-la-Sorgue où il dresse le trophée Rosny Aîné dessiné par moi et sculpté par André Jaume, et celle où on pose tous deux avec Robert Sheckley ! Waouh ! (Mais pas trop de photos… à chaque fois, je pleure…)
Je viens de remettre la main sur une couv de Brantonne qu'il m'avait envoyée comme source d'inspiration pour "Par la noirceur des étoiles brisées", une autre d'un tatoué à la "Tête de crâne"…
Pourquoi je raconte ça, moi…? Pour remplir un vide, sans doute, garder tout ça chaud, au chaud. C'est précieux.
Et je n'ai même pas encore cité ces sympas petits bouquins d'Actu-SF. Là encore, pour lui, pour eux, pour moi, et même s'il n'y avait que trois sous à la clef, il était évident que devais faire ses couvs pour HPL, Celui qui bave et qui glougloute, Cette crédille qui nous ronge…
Finalement, ça doit être l'auteur que j'ai le plus illustré… Il voulait que je fasse ses couvs et je ne pouvais rien lui refuser, c'est aussi simple que ça. (Si vous faites un tour sur ma page Facebook, j'ai fait un album avec tous les dessins faits pour des bouquins de Roland. Enjoy.)
Phlippe Caza. Août 2012.
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Bon sang, Roland, tu ne crois pas que tu aurais pu leur faire un peu confiance, à ceux qui sont déjà là-bas, pour diriger la Grande Terreur Primitive de l’an prochain ? Quel besoin tu avais d’aller surveiller ça depuis la Psychosphère ? Comment on va faire, dis, sans toi, pour affronter Dragon Rouge et ses avatars ? Et tu n’as pas honte, de me forcer à dire des conneries parce que je ne sais pas comment exprimer ma tristesse ?
Je ne faisais pas partie de tes proches, même si, sur ce plan, Internet a tout brouillé, et qu’il est devenu bien difficile de définir la notion de proximité. Etrangement, j’ai fait deux fois ta connaissance, les deux fois à la fin des années 1990. Deux ? Non, trois, en fait.
Tout d’abord, bien sûr, sur fras, fr.rec.arts.sf pour les petits newbies qui n’ont pas connu usenet à la grande époque. Tu signais Brain Damage et tu lançais de grandes discussions polémiques sur une multitude de sujets, discussions auxquelles je n’étais que trop contente de participer. Je savais que tu t’appelais Roland, que tu écrivais de la SF, que j’aimais bien ta manière de penser, tes colères et tes rêves, mais c’était à peu près tout.
Parallèlement, je suis entrée dans le petit monde de la SF par l’intermédiaire de Daniel Riche, avec lequel j’étais entrée en contact suite à la lecture d’un article sur "SF et philosophie", qui était alors mon sujet de prédilection, et qui, de fil en aiguille, était devenu un peu mon mentor, un peu mon père spirituel, un peu mon meilleur ami. Quand j’étais montée le voir à Paris, il m’avait présenté les livres de "ses" auteurs, en m’en présentant deux, tout particulièrement, comme ne pouvant que mes plaire : Michel pour sa plume, et toi pour ta conception du monde.
Il m’a fallu un moment pour faire le lien entre ce Roland et toi, sans doute parce que ça me faisait bizarre de lire quelqu’un que j’avais déjà l’impression de connaître. Mais c’est cela qui m’a permis, un peu plus tard, quand les Utopiales se sont installées à Nantes, en 2000, d’oser te parler. Ma timidité maladive, qui te faisait rire et te poussait à me présenter tous les gens qui te tombaient sous la main quand je passais à proximité, me rend généralement incapable d’aborder quelqu’un à qui j’ai envie de parler, même quand je sais que lui-même n’attend que ça. On ne se remet jamais totalement de son enfance.
Avec toi, étrangement, je n’ai jamais eu ce problème. Quand j’allais errer au bar de Madame Spock, entre deux confs ou deux ateliers, je me raccrochais même à ta présence pour ne pas fuir sans oser aborder qui que ce soit. C’est dingue, cette capacité que tu avais à mettre les gens à l’aise, même les handicapés sociaux comme moi. Même si j’ai maintenant, et en partie grâce à toi, bien des amis dans le monde de la SF, je crois bien que tu es le seul que je n’ai jamais, jamais, eu l’impression de déranger. Que tu sois en pleine conversation avec un de tes potes, ou en train de boire un coup, ou en train de faire quoi que ce soit, je me sentais toujours la bienvenue, moi qui suis conditionnée à toujours me croire importune. Sensation étrange. Si reposante.
Tu es ainsi devenu, à ton corps très peu défendant, l’un de mes "escl… euh… assistants privilégiés", toujours prêt à participer, tant que j’ai eu la main sur les activités pédagogiques des Utopiales, à mes tables rondes destinées aux jeunes, aux ateliers, à tout ce qui te permettait de parler de tes passions. Et j’aimais particulièrement quand tu étais là. Pourquoi ? Bon sang, tout le monde l’a déjà dit, Roland : tu irradiais. Il y a plein de gens qui sont gentils, jeunes dans leur coeur, leur tête, leurs colères, leurs rêves, mais il y en a peu d’aussi contagieux que toi. Quand on te parlait, on avait tout de suite l’impression qu’un autre monde était possible, pour peu qu’on s’y mette tous, et que ce n’étais pas si compliqué, finalement, qu’il suffisait de faire taire quelques cons, et que le tour serait joué…
Je me souviens que quand j’étais malade, et un peu déprimée parce que je perdais la main sur le volet pédagogique, tu m’as envoyé un de tes bouquins, avec une gentille dédicace. La seule que j’aie, d’ailleurs, car je n’ai jamais pris le temps de t’en demander une, parce que, hein, "c’est un pote, rien ne presse". De même que j’ai toujours fait "non non non pas le temps !" à ceux qui proposaient de nous prendre ensemble en photo. Et toujours décliné tes invitations à rester pour une soirée, parce qu’il y avait les enfants, que je ne voulais pas rentrer trop tard. Il serait bien temps, hein, quand Coralie serait grande…
Putain, Roland, si tu savais comme je m’en veux, maintenant, d’avoir toujours remis à plus tard cette grande conversation qu’on se promettait d’avoir - notamment sur notre goût commun pour les bêbêtes étranges. Je me rappelle que lors de notre dernier échange, sur Facebook, la veille de ta mort, j’ai grommelé que c’était à cause de toi que je scrutais les avancées de l’astronomie, parce que je ne voulais pas clamser avant qu’on ait découvert la première bestiole extraterrestre…
Il m’a fallu une semaine pour réussir à écrire quelque chose, et je m’aperçois que je n’écris que des banalités. Non, je ne faisais pas partie des proches, pas au sens de la proximité géographique ou de l’intimité sociale. En revanche, tu étais mon ami - et pas seulement au sens facebookien du terme. Tu vas me manquer. Terriblement.
Sylvie, Natacha, je pense à vous très fort. Ce sera terriblement dur de vous parler, si je reviens aux Utopiales. Mais j’essaierai.
Nathalie Labrousse-Marchau
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Roland, je le connaissais depuis longtemps. On s’est croisé à de multiples reprises dans toutes sortes de conventions : Utopiales, Imaginales, Conventions francophones. Et, chaque fois, c’était retrouver un vieil ami et parler de SF en éclusant des biėres. Cette année, nous nous étions vus plus que de coutume. Il était venu au Salon du livre à Genève où il dédicaçait sur le stand d’ActuSF en compagnie de Laurent Queyssi et de Vincent Gessler. A un moment, une jeune femme est venue me demander ce qui se passait dans ce stand, car une bonne partie du milieu SF suisse s’était regroupé autour du stand pour faire honneur à l’apéro offert par ActuSF. Roland s’est approché et a commencé à discuter avec cette personne, montrant une fois de plus son étonnante faculté à entrer en contact avec n’importe qui comme si c’était une vieille connaissance. Plus tard, j’ai vu cette jeune néophyte prendre note sur un carnet des titres de livres que Roland lui recommandait.
La dernière fois que j’ai vu Roland, c’était aux Imaginales 2012. J’ai assisté avec grand intérêt au débat qu’il a animé notamment avec Didier Daeninckx et qui portait sur l’Algérie et, bien sûr, sur Rêves de Gloire.
La toute dernière fois, c’était le dernier soir de la manifestation. Il était au restaurant où l’on mange de fameux couscous avec l’équipe de l’Atalante et était sorti fumer une clope. Sur la place, à ce moment, il y avait des musiciens et une danseuse orientale qui animaient la soirée du restaurant d’à côté. La dernière image que j’ai de Roland est celle-là : de la joie à entendre cette musique, à voir çette danseuse et à taper dans les mains en rythme. Une image de la joie de vivre.
Jean-François Thomas
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Tout début des années 90, ma première convention de SF et rencontre avec mon premier auteur de SF en vrai, un improbable hippie-punk aux longs cheveux orangés et à la tenue psyché... S'en suit une inoubliable discussion sur le genre et le milieu autour de bières généreusement et spontanément partagées. Ce jour là je sais enfin ce que je veux faire plus tard. Encore merci, Roland, et toutes mes pensées à Sylvie et tes proches.
Johan Heliot
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Etre un 14 Aout et apprendre la mort de Roland C. Wagner. Se sentir décalé en apprenant qu'il est incinéré depuis déjà plusieurs jours. Peut-être que la panne mon pc et l'impossibilité de trouver un spot wi-fi à l'étranger tentaient de me protéger de cette funeste nouvelle.
Il y a dix ans, Roland fut le premier écrivain dont j'appréciais les livres que je rencontrais dans la vraie vie. C'était aux Utopiales et à l'époque le système avait fait en sorte qu'il ne soit pas à la table des dédicaces au moment où je tentais de le rencontrer. Ce qui fait que c'est moi qui ait demandé un peu maladroitement à le voir afin de me faire dédicacer un livre et j'aurais passé un bon quart d'heure à lui raconter des trucs que le jeune gribouilleur de fan-fictions que j'étais, pensait intéressant. Il a écouté mes trucs abracadabrants sur Code Quantum et bavardé avec moi sans aucune prétention, comme deux adultes qui discutent ensemble.
Depuis j'essayais presque chaque année de me faire dédicacer un des volumes des "Futurs Mystères de Paris" et chacune de nos rencontres étaient des bons moments de discussions marrantes et nonchalantes. C'était devenu un de mes petits rituel des Utopiales au point que depuis deux ans j'avais dérogé à cette règle, me disant que ça sera pour "l'année prochaine" tant il était facile de le croiser. J'ai dans ma tête toute une liste de chose à faire pour la prochaine fois qu'on se recroiserait : Des détails que j'ai appris sur ses livres, des anecdotes sur les mystères de Paris, le fait que j'avais découvert qu'il avait traduit une novelisation d'épisodes de Doctor Who (avec dans l'idée de lui en faire dédicacer une si je la trouvais en brocante...)
J'ai du mal à me faire à l'idée que ça n'arrivera pas.
Julien 1289 Evrard
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Tu sais j’aurais préféré et toi aussi peut-être que je reste dans le silence mais monsieur Roland il est parti et dans mon plan de la réalité d’où je viens c’était pas comme ça et comme je suis triste parce qu’on peut pas jump d’un plan à l’autre ni revenir en arrière ou quoi et que la science fiction c’est trop pourrite parce que c’est tout pas vrai eh ben on doit affronter la tristesse et tout
donc voilà monsieur Roland il s’est barré et ça fait quand même un peu super chier tu vois
moi tu vois je le connaissais que par la sf que il a écrit et aussi les forums et aussi visagelivre où des fois on échangeait des mots sur des murs ou quoi mais c’était genre un mec que je respectais et que je kiffais et que des fois aussi tu pouvais dire oh dis monsieur Roland t’abuses un peu
et là on peut dire mec t’abuses grave parce que tu nous laisse un peu comme des cons et que le monde de la sf il est triste parce que t’es parti mais il sera aussi triste plus tard parce que tu seras toujours pas là et que les rigolos-colère dans la sf y’en a genre aucun ou p’tet juste que je comprends pas leur humour
sinon je peux dire que monsieur Roland c’était un peu comme un grand grand frère de quinze ans de plus tu vois ou un mentor un truc comme ça un mec que je dirais que si j’aurais été écrivaine de la sf j’aurais bien aimé être monsieur Roland
une fois pour une nouvelle pourrite il m’avait conseillé de faire un pas de côté et donc j’ai fait comme il a dit j’ai fait le pas de côté j’ai fait le tour de mon doigt et aussi caca et elle était hyper mieux toujours pourrite mais moins
alors tu sais quoi mois je voirais bien dans un futur pas très lointain aux zutopiales ou zimaginales ou truc-en-ales une armée de gens et de gensses avec des borsalinos verts sur la tête un peu comme on voit fleurir sur visagelivre mais ça serait en vrai
ça ferait comme une invasion absurde qui ferait ton sur ton avec la vie
au revoir monsieur Roland
Fall E
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C'était à Dijon, en 1982, ma première rencontre avec les amateurs de SF et de Fantastique. Je connaissais déjà, par correspondance, Francis Saint-Martin - grand amateur du genre devant l'Eternel -, j'ai fait également la connaissance de toute la crème des futurs auteurs de l'époque - beaucoup sont devenus aujourd'hui des sommités du genre... Il y avait Xavier Legrand, Michel Pagel - tout jeune -, Claude Ecken, Jean-Daniel Brèque (que ceux que j'oublie sur l'instant veuillent bien m'excuser), et bien sûr, Roland Wagner.
Roland qui était très rock'n'Roll - ce que je n'ai jamais été -, expansif - pas vraiment mon truc non plus -, mais incroyablement chaleureux. Je crois que c'est vraiment LA qualité de Roland qui me vient à l'esprit, quand je pense à lui - Et, Bon Dieu, j'aimerais bien ne pas devoir y penser au passé à cette belle chaleur humaniste. J'ai formé, avec Francis et Xavier, un trio longtemps indéfectible et nous nous retrouvions souvent à Paris, chez le second. Comme Roland n'habitait pas loin, on se voyait régulièrement.
De lui, je me rappelle les murs de son appartement - que dis-je, du salon - , couverts peu à peu de toute la collection des Anticipations Fiction du Fleuve Noir, qu'il prétendait avoir tous lus - et je ne suis pas loin de le croire.
Je me souviens aussi de son petit rire d'enfant - surtout quand il venait d'oser balancer un de ces jeux de mot-llet (que l'on retrouvait, ensuite, dans une nouvelle ou au détour d'une page, dans un roman).
Je me souviens de sa générosité, car il était toujours prêt à partager le peu qu'il avait, avec sa compagne du moment et sa petite fille.
Je me souviens, surtout, de cette fois où il avoua en avoir assez d'écrire des "Blade et Baker", sous le pseudo de Guieu. Il avait bien d'autres ambitions... Et il cherchait quelqu'un pour lui succéder. C'est Xavier Legrand qui s'est tourné vers moi en disant, tout haut: "Ça ne te dirait pas d'essayer?". Roland a tout de suite rebondi sur la proposition, m'a fourni quelques Guieu et le lien s'est fait de cette manière, simple et fraternelle. Il m'a aidé sur les trois premiers textes puis m'a laissé écrire les 14 autres... C'est grâce à lui, aussi, que j'ai pu accoler mon nom au sien pour un épisode de Macno et, c'est toujours avec son concours amical que j'ai osé me mettre sur les rangs pour écrire un "Poulpe".
Avec Roland, on se voyait peu - je ne suis pas un inconditionnel des grandes réunions de SF ou de Fantastique -, un peu trop "sauvage" peut-être , je ne sais pas... Mais chaque fois qu'on se retrouvait, c'était comme si on s'était quitté la veille (le grand avantage du compagnonnage amical, je pense).
Je garde aussi en mémoire, avec un brin de tendresse, son désir d'avoir le Grand Prix de SF du moment... Il était prêt à le recevoir chaque année, cela ne le gênait pas! Et il demandait à ses potes de voter pour lui, même si, comme moi - parfois - je n'avais pas lu le roman qui concourait (je le confesse... mais je me suis rattrapé depuis).
Avec Roland, les relations étaient simples, sans prétention, facétieuses - une qualité que j'apprécie particulièrement, moi qui suis un angoissé de première. On riait d'un rien, tout en parlant de Rock - enfin, lui, car moi... voir plus haut...
Un autre souvenir me revient, celui d'un concert à Montfort sur Argens, je crois, où avec son groupe Brian Damage il avait, en quelque sorte, "cassé la baraque" - et bien failli se casser également la figure en sautant, comme un lutin un peu fou, sur des tréteaux branlants... Au milieu de la foule de ses fans qui se déhanchaient en cadence... N'est-ce pas, Francis et Xavier?
Il y avait, chez Roland Wagner, une érudition sans faille - Rock et SF mêlés, mais pas que ces domaines-là, l'Histoire le passionnait... - érudition dont il semblait s'excuser en redoublant ses pirouettes humoristiques, enfantines, très Almanach Vermot...
Ces dernières années, je l'ai perdu de vue, ne me rendant plus dans les réunions SF, mais je suivais de loin son travail. Je voyais son écriture se ciseler - certainement grâce à sa relation avec Sylvie Denis -, ses thèmes s'approfondissaient, de sorte qu'il devenait peu à peu indispensable à l'histoire de la SF Française. Nous le sentions tous et "Rêves de Gloire" nous l'a confirmé..
J'enrage, c'est vrai - et je ne dois pas être le seul - face à cet envol soudain qui nous prive - et le prive lui aussi - d'une juste consécration à laquelle il avait droit. Je suis sûr qu'une intégrale future rendra hommage au talent de cet auteur qui fut un confrère fidèle, que je garderai en mémoire comme un maître-compagnon...
Rémy Gallart
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Bonjour,
Je viens écrire un petit mot pour rendre hommage à l’un des plus grands de la SF française. Grâce à mon père, je suis tombé amoureux de son écriture et de son optimisme avec les ravisseurs quantiques. Dès lors je n’ai eu de cesse de vouloir réunir son œuvre complète, laquelle m’a délecté jusqu’au bout avec comme sublime chef-d’œuvre : Rêve de Gloire. Rejoint la psychosphère et revient hanté nos rêves.
Un lecteur invétéré.
Sami
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J’ai le souvenir d’un gars déjà vêtu en 1983 de son éternel Perfecto , entièrement habité par la sci-fi , qui en voulait, qui voulait en vivre , qui assiégeait les éditeurs du genre...nous nous sommes connus à l’époque du fanzine "Clair d’Ozone" ou Roland avait commis une nouvelle décapante , à l’époque de notre tentative vite avortée de l’émission d’une radio libre lilliputienne traitant du genre. nous étions une poignée de fondus, avec entre autre Michel Pagel , qui nous réunissions au sein d’un " club s.f de Paris". curieuse nostalgie que celle de cette omelette improvisée partagée avec lui dans ma studette près de Pigalle, après une de ces émissions radio qui devait drainer au mieux cent auditeurs... ce sont les seuls moments que j’ai passé face à face avec lui, alors qu’il cherchait à décrocher de quoi vivre de sa passion. je sentais la pugnacité de ce lascar, de ce bohémien cosmique, à vouloir à tout prix trouver du foin pour ses mules afin qu’elles emportent sa roulotte à réacteurs le plus haut possible .. puis la vie a suivi son cours pour chacun d’entre nous, et nous ne nous sommes croisés que lors de prix littéraires ou de conventions je n’ai jamais été plus loin que la dixième page d’un roman de Roland, mais j’étais satisfait de savoir que ce fondu au vert des étoiles avait réussi et vivait de sa passion.
Ciao Roland.
F.B.
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Pour moi, la Science-Fiction est totalement indissociable de Roland.
Je le connais depuis plus de vingt ans, à l’époque des forums minitel et du serveur 3614 RTEL, sur lequel il sévissait.
Je connaissais encore peu la SF (je venais de la découvrir), et lisais pratiquement que des auteurs anglos-saxons (Heinlein, Priest, Dick, ...) ; utilisant "le catalogue des âmes et cycles de la SF" de Stan Barets, trouvé chez un bouquiniste, pour faire mes choix de lecture.
C’est donc un certain Brain Damage, officiant sur le forum SF de RTEL, qui m’a amené à lire des auteurs français comme Jean-Marc Ligny, Michel Pagel, Roland C. Wagner...
Il m’a fallu un certain temps pour réaliser qu’il ne faisait qu’un avec le chroniqueur de Casus Belli ; et avec l’écrivain du Fleuve Noir. Il ne se ventait jamais de son "statut", tout comme les autres participants du forum.
C’est lui qui m’a fait découvrir les fanzines de l’époque, et la bande de passionnés derrière ces projets plus ou moins délirants (Philippe Caille, Francis Saint Martin, ...)
C’est toujours lui qui m’a "forcé" à venir à ma première convention, à Redu, en 1992.
C’est lui aussi qui a failli me faire quitter ma première convention, cinq minutes après mon arrivée.
Je cherchais le local de la convention, et je me retrouve devant deux personnages haut en couleur : un chevelu en tee-shirt psychédélique en pleine discussion théorique avec un petit bout de femme tatouée (Wildy Petoud), sur la meilleure façon de préparer je ne sais plus quelle sorte de champignon hallucinogène. Pour l’un il fallait les faire sécher la tête en bas dans la cave, pour l’autre il fallait les faire macérer. Roland se tourne vers moi, me demandant s’il pouvait m’être utile et, quand je lui dit que je cherchais la convention, m’accueille d’un grand "C’est ici camarade !" avant de me prendre dans ses bras. Si j’avais pas eu 900 km à faire pour rentrer chez moi, je crois que je serais reparti en courant. J’étais jeune et con à l’époque...
Heureusement je suis resté, et je n’ai pas manqué une convention depuis cette date (sauf Montréal en 2007).
C’est de sa faute si j’ai organisé deux conventions, principalement pour pouvoir inviter et ainsi rencontrer les auteurs/fans que Roland m’avait fait découvrir et apprécier.
Pour moi, Roland et la Science-Fiction sont indissociables. Mon amour de la SF, du milieu SF, vient de lui. De sa gentillesse, de sa façon de faire partager ses passions, de ses coups de gueules, de sa mauvaise foi... Il était l’archétype même de la Science-Fiction ; du fan devenu écrivain, mais gardant "l’esprit" SF.
Ce que je ressent depuis sa mort, je ne l’avais ressenti qu’une fois, à la mort de Coluche. Un sentiment de malaise, de manque, qui me fait dire le matin "putain, un nouveau jour se lève. Et Roland est toujours mort..."
Toutes mes pensées vont vers sa famille.
Jérôme Baud
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Il y a bien des années de cela, Roland m’a fait le plus grand compliment que puisse faire un auteur au scribouillard osant faire un article sur son œuvre. C’était à Chaville. Sara vidait sa demeure familiale. Elle avait entassé dans une voiture tous les amis belges qu’elle avait pu y mettre. Sur place sont arrivés tous les amis français qu’elle avait pu rameuter. Parmi eux un grand escogriffe qui s’est révélé être Roland C. Wagner
Sans l’avoir jamais vu, j’avais étudié Roland par le passé. Quand vous étudiez la psycho et êtes passionné de SF, Il est à peu près inévitable qu’un jour une amie journaliste passionnée de SF vous demande votre avis sur l’utilisation des archétypes jungiens dans la littérature fantastique.
Le motard roux qui s’écrase sur le mur de la réalité, la drogue qui change le monde, la bonnasse qui se bat à coups d’aiguilles à tricoter, les petits enfants du millénaire, la guitare vaudou de Jimmy Hendricks, le détective invisible, les tribus de jazzman et de bal-musette, l’avocate amande amère, la petite vieille actionnaire majoritaire d’une mégacorpo, l’A.I. gauchiste, la mort du rock’n roll, la spirale de pierres semi-précieuses… Tout ça avait une cohérence inattendue. Le bon docteur Jung n’y aurait sans doute pas retrouvé ses petits, mais il y avait là une véritable mythologie. Pourtant même avec QuickSilver Messenger Service tournant en boucle dans le kot, quelque chose m’échappait ; quelque chose que je ne trouvais pas dans la bibliothèque pourtant très complète de Sara.
C’est une nouvelle sans importance, minuscule et complétement détachée de l’œuvre de Roland, qui m’a donné la clé. Une œuvre d’Heroic Fantasy qu’il a spécialement écrit pour un recueil sur le thème de l’initiation. Chevaliers, dragon, princesse : tous les poncifs du genre y étaient… À part que les chevaliers étaient des dragons princesses, et que le monstre était un homme gigantesque et tout à fait inoffensif. Roland avait mis les archétypes sens dessus-dessous et cul par-dessus tête. Le coup de patte Wagner. Pour de l’initiation, c’était de l’initiation !
J’ai écris cette article pour le Phoenix spécial R.C. Wagner sans envisager qu’il y aurait un lendemain. Mais ce soir là à Chaville, je l’ai rencontré pour la première fois.
Ce soir là à Chaville, j’ai découvert que nous avions la même date d’anniversaire. Lui le savait, puisqu’Il avait pensé à me faire un cadeau. Comment ? J’ai ma petite idée ! Mais le vrai cadeau fût cette conversation assis parterre dans cette immense maison vide au milieu de ses amis faisant la fête.
Ce soir là à Chaville, Roland m’a fait le plus grand compliment que puisse faire un auteur au scribouillard osant faire un article sur son œuvre : « tu as compris des trucs que beaucoup de gens n’ont pas compris ».
J’étais trop ému pour lui demander quel secret j’avais bien pu percer.
Alex Masure
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Roland était "imbibé" de SF, mais sans doute que la marmite dans laquelle il est tombé tout petit, était-elle tout avant tout faite d'une nourrissante soupe "populaire", au sens particulier du Fleuve Noir Anticipation et que, de ce fait, il a été beaucoup moins "inhibé" que d'autres auteurs français qui ont fait (et font parfois toujours) une sorte de complexe vis à vis de la grande SF anglo-saxonne (avec, toujours peut-être, cette idée, taraudante pour les plus inquiets, qu'il ne serait possible de s'y mesurer, voire simplement d'exister, qu'en misant à outrance sur l'arme du "bien écrit", qui est à la littérature française ce que le Dreadnought était à la Royal Navy, du temps de H.G. Wells…). Pas de complexe chez Roland vis à vis de l'intimidante (très) grande soeur (et pas de complexe non plus au niveau de son écriture personnelle, qu'il s'était façonnée autant par le ressenti instinctif de l'écrivain qu'au moyen de la raison). Son oeuvre s'est construite en parfaite harmonie avec la SF, sans aucune volonté de s'en distancier, de se distinguer de ce qu'il considérait être ses caractéristiques fondamentales. Il voyait la SF comme une aventure culturelle collective, à laquelle chacun participe, du lecteur un instant touché par le "sense of wonder" (exemple: nous tous), au créateur majeur (exemple: Michel Jeury).
Cette vision, ce vécu "collectifs" se manifestaient de manière frappante dans la passion véritablement fusionnelle qu'il entretenait avec le Fleuve Noir Anticipation. Les anecdotes sur Roland citant le titre d'un FNA quand on lui donnait le numéro, ou l'inverse, les citations ressorties de mémoire, et son affection indéfectible pour les vieux auteurs de la collection, des meilleurs au plus... discutables, tout cela était parfaitement authentique (*).
Oncle Joe / Joseph Altairac
(*) authentique.
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Il y a quelque chose qui m’échappe. Stupidement, je voudrais comprendre… Il se passe quoi, là ?
Hey, Roland, t’es où ? C’est quoi, le sens de cette farce ? Tu as décidé d’émanciper le fandom francophone ?
Merde, tu fais chier, le Roland Charles. Tu fous une zone, c’est pas croyable. Ca fait quoi, près de 20 ans qu’on se connaît, et ce genre de vanne à la con, c’est interdit, entre vieux potes. Alors t’es sympa, tu arrêtes ton délire, il ne fait rire que toi ; et ce n’est pas parce que c’est quasi toujours le cas avec tes vannes pourries qu’il faut continuer à en faire. Là, tu me fait flipper. Alors t’es sympa, tu arrêtes, OK ?
Mais oui, mais oui, c’est ça, je t’imagine bien, sur ton petit nuage, assis à côté de Vance ou de Dick, en train de pouffer de ton petit rire qui faisait kshhh kshhh kshh. Tu rigoles comme un bossu, plié en deux, comme tu en as l’habitude, avec ces étincelles dans les yeux qui n’appartiennent qu’à toi. Puis tu te tournes vers l’un de tes deux voisins et tu dis « Ah ouais, et là, d’un seul coup, ils se rendraient compte que je ne reviendrai plus jamais ; et je reviendrai chatouiller les pieds de Brussolo la nuit quand il dort. Et SuperJouanne serait enfin retour. » Et tu rigoles, tu rigoles, tu te marres, tout seul s’il le faut, devant nos mines déconfites et le sel qui brûle nos joues et nos pupilles.
Quelle connerie. L’homme qui n’avais pas son permis de conduire meurt dans un accident de bagnole. A d’autres, j’y crois pas. Une réalité qui dépasserait tes fictions, ça n’existe que dans le monde des lieux-communs, pas dans la vraie vie.
C’est avec toi que j’ai découvert le fandom, merde ! Et pile quand, après 18 ans, je commençais à me dire qu’il était fréquentable, ou presque, tu lâches tout ?
J’espère que tu te rends compte que tu viens de faire un paquet d’orphelins. Il y a tes lecteurs, il y a tes éditeurs, il y a tous ceux qui t’aiment tel que tu es, avec ton caractère entièrement dévoué à défendre bec et ongles les valeurs que tu considères comme essentielles. Et puis il y a aussi tous les autres, tous ceux qui ne te connaissent pas, tous ceux à qui tu dénies désormais le droit de te rencontrer et de voir quel être humain tu es, caché derrière ta face de clown rigolard qui enchaîne des vannes à deux balles.
Mais qu’est-ce qui t’as pris ? C’est ce coup de vieux qui avait soudain marqué tes rides, c’est ta barbiche