Hugh Howey a exercé différents métiers : capitaine de yacht, employé dans une librairie universitaire... Il s'est lancé dans l'écriture de romans de SF, et cela lui réussit bien : Silo s'est vendu à plus de 500 000 exemplaires, et Ridley Scott en a acheté les droits.
Un deuxième roman encore plus complexe que le premier
La première date donnée est 2007, le prologue est en 2110, le début du roman en 2049. Tout au long de l'histoire, on va aller et venir dans le temps, en suivant quelques personnages. Il y a le député Donald Keene, le sénateur Thurman, sa fille Anna, Helen, Charlotte ; il y a aussi des personnages isolés, comme Jimmy, et Mission. Tous vont finir victimes.
Perdus dans une machination qui les dépasse, ils vont chercher la vérité, ils vont essayer de lutter contre un système artificiel qui les écrase, au péril de leur santé mentale, au péril de leur vie.
Une construction romanesque éparpillée
Les dates changent, elles sont dans le futur - dans notre futur, dans celui des personnages. Les personnages changent aussi - certains apparaissent, d'autres disparaissent, beaucoup évoluent. On ne comprend pas toujours ce qui se passe - on suit l'histoire en focalisation interne, on ne sait que ce que savent certains personnages. Et par recoupements, on tente de détricoter cette histoire complexe et au final assez effrayante.
Un deuxième volume dans la lancée du premier : les Silos et la question de la survie de l'humanité
On est rapidement tenté de relire Silo, le premier, celui qui nous plonge dans cet univers spécial, celui qui nous livre des données sans recul, sans explications. Car cet univers que l'on pense organisé, bien conçu, efficace, cache en réalité des desseins machiavéliques absolument abominables sur ce que l'espèce humaine s'inflige à elle-même. Le maître mot des constructeurs des Silos est la survie, mais ce concept même est remis en question. Survivre à quoi, à quels dangers, quelles catastrophes ? Les a-t-on vraiment étudiés, sait-on vraiment à quoi on essaie de survivre ? Et survivre comment ? À quel prix ? Survivre physiquement, psychologiquement ? La survie de quelques-uns peut-elle tout justifier ?
Une large place est aussi donnée à la technologie, aux techniques médicales : jusqu'où peut-on aller dans la manipulation médicale physique et psychologique des individus ? Et si les techniques de guérison se retournaient contre nous ?
Hugh Howey place la barre très haut dans Silo et apporte des éléments de réponse sur son propre univers dans Silo Origines qui se montre à la hauteur du premier. Je me suis posé la question de l'ordre dans lequel lire ces livres, étant donné que le début de Silo Origines se situe avant Silo, et je ne suis toujours pas sûre de la réponse. Ce que je sais par contre, c'est que si on lit l'un, il faut lire l'autre aussi, et de préférence en même temps ou presque. En effet, les échos de l'un à l'autre donnent des clefs de lecture.
De découvertes en découvertes
Quand on commence Silo, on s'imagine que c'est un univers qui protège les quelques êtres humains qui ont miraculeusement survécu à quelque catastrophe planétaire. On pense que la préservation de cet univers fermé sur lui-même est la condition inévitable pour maintenir en vie les malheureux rescapés de l'espèce humaine. Un univers certes imparfait (quel univers pourrait l'être ?) mais qui a le mérite de fonctionner, de remplir son rôle. Et puis on lit tout le roman, et on comprend. Et on se prend l'équivalent d'une claque dans la figure.
Quand on attaque Silo Origines (et qu'on a lu Silo avant), on se demande comment l'auteur va raccrocher les wagons. On tombe sur une scène politique située dans un futur relativement proche, et lorsque le personnage principal, Donald, voit pour la première fois la structure qu'il est censé construire, on reconnaît avec émotion et effroi ce qu'on a découvert dans Silo.
Sauf que nous lecteurs, on sait pourquoi ce silo est construit, alors que Donald, personnage émouvant, faible et manipulé, n'y comprend rien et se contente de suivre les ordres.
Ensuite, ce sera la recherche de la vérité, pour le lecteur comme pour Donald. Ce sera aussi l'histoire des autres Silos, des révoltes et des meurtres parfois, le sacrifice d'un grand nombre au nom de l'intérêt général défini par quelques-uns.
De l'émotion dans cet univers froid
Enfin, je donne une mention spéciale à Jimmy, ou James, ou Solo, le personnage le plus émouvant que j'ai découvert ces derniers temps. Il m'est impossible d'expliquer ce qui lui arrive sans spoiler, ce qui serait trop dommage, mais si vous voulez découvrir un personnage innocent en butte contre l'adversité, n'hésitez pas.
La suite !
Pour conclure, un roman prenant, une intrigue complexe, des personnages manipulés ou manipulateurs, une chronologie difficile à suivre, mais une réflexion poussée sur la capacité humaine à s'autodétruire. À suivre dans le troisième, Silo Générations.