- le  

Tau Zéro

Langue d'origine : Anglais US
Aux éditions : 
Date de parution : 07/06/2012  -  livre
voir l'oeuvre
Commenter

Tau Zéro

Poul Anderson est un auteur américain de science-fiction né en 1929 et décédé en 2001. Lauréat de sept prix Hugo, il fait parti des maîtres incontestés du genre. Il est notamment connu pour son cycle de la Patrouille du temps. Tau Zéro, considéré par David Pringle, fondateur du magazine britannique Interzone, comme l'un des cent livres de science-fiction les plus importants jamais écrits, est resté quarante ans inédit en langue française avant la présente traduction.
  
Voyage sans retour
 
Ils sont cinquante, vingt-cinq hommes et vingt-cinq femmes, à s'embarquer pour le Leonora Christina. Leur mission ? Établir une colonie dans le système de Beta Virginis. La particularité de leur vaisseau ? Une vitesse en approche constante de celle de la lumière. La durée de leur voyage ? Trente-deux ans. Ils avaient tout prévu... sauf le nuage d'astéroïdes sur leur chemin. Depuis la collision, ils ne peuvent plus décélérer. Condamné à accélérer pour l'éternité, le Leonora Christina file à travers les étoiles... les galaxies... les années-lumière... vers la fin de l'univers. Leur salut ?
  
De l'autre côté des étoiles
 
Une fois refermé Tau Zéro, on manque d'adjectifs pour décrire ce voyage : renversant, incroyable, époustouflant... Et surtout, difficilement appréhendable. Il est en effet peu simple de pouvoir s'imaginer ce que peuvent représenter ces vitesses astronomiques : traverser une galaxie en quelques heures de temps relatif reste inconcevable pour l'esprit humain. Même si l'on échoue à appréhender correctement ce qu'impliquent ces vitesses, l'idée, elle, est toujours là... et l'aventure racontée reste vertigineuse. Car le véritable tour de force de Poul Anderson réside dans la brièveté de son roman : en moins de trois cents pages, il arrive à nous émerveiller et à nous tenir en haleine. Dans un récit où l'étrangeté et l'impensable surgissent à chaque page, on ne peut s'empêcher de se demander quelle sera la prochaine étape... et de l'accepter, comme les autres, même si cela dépasse notre imagination.
 
Le récit peut être découpé en deux parties : d'un côté, il y a les explications scientifiques. Leur côté didactique nous permet de mieux comprendre l'environnement dans lequel on est plongé et explique de manière relativement accessible les implications physiques et astrophysiques de ce voyage. Cet aspect "conférence" leur donne un charme désuet qui n'est pas du tout désagréable. Comme un ordinateur de bord donnant les dernières informations à l'équipage, ces explications sont le plus souvent présentes en début de chapitre et permettent de faire un point bienvenu à chaque nouvelle étape franchie.
 
De l'autre côté, il y a l'équipage et les systèmes de survie, tant physiques que mentaux, qu'il met en place pour affronter les conséquences de cette expédition. C'est peut-être à ce niveau que l'histoire pèche le plus. Comme tout récit impliquant un nombre élevé de protagonistes dans un espace restreint, nous ne nous intéresserons qu'à un petit groupe de ces futus colons. Parmi ces hommes et femmes que nous suivons, bien peu ont des caractères et des personnalités qui s'éloignent des archétypes. Leurs comportements sont assez convenus et attendus, et il ne faut pas s'attendre à des surprises niveau comportement. Mais ce qui peut parfois déranger ce sont les attitudes des uns envers les autres, les réflexions, les positions qui parsèment l'histoire. Il ne faut pas oublier que le roman a été écrit il y a quarante ans et qu'à cette époque les comportements hommes-femmes, notamment, n'étaient pas les mêmes qu'actuellement. Certaines répliques peuvent donc faire sourire ou lever les yeux au ciel tant cela nous paraît décalé avec notre réalité. Mais ces moments n'empêchent pas de se plonger dans le quotidien de l'équipage. Le récit se fait par bonds successifs dans le temps, s'intéressant au destin des personnages à des moments cruciaux du voyage. On pourra d'ailleurs regretter une immersion aussi réduite dans l'intimité des membres de l'expédition, l'histoire se faisant par petites scènes seulement liées entre elles par des personnages clés comme le gendarme, le capitaine ou le second. Mais cette narration par épisode prouve bien que les drames personnels ne sont pas l'enjeu de Tau Zéro. Uniquement présents en toile de fond, et encore uniquement quand cela sert l'intrigue à une plus haute échelle, ce qui importe avant tout c'est le destin de l'équipage tout entier, en tant qu'entité collective. C'est peut-être ce manque d'empathie pour ses personnages, ce manque d'affect manifeste qui empêche au roman d'être une réussite totale et indiscutable, le "chef d'oeuvre incontesté" dont parle la quatrième de couverture (mais qui n'est pas loin d'avoir raison malgré tout).
 
Concernant le paratexte, notons la préface du traducteur, Jean-Daniel Brèque, permettant de replacer dans son contexte. On conseillera tout particulièrement la postface de l'astrophysicien Roland Lehoucq qui permet un éclairage intéressant sur les données scientifiques qui parsèment abondamment le roman. Comme tout bon auteur de hard-science, Poul Anderson est très rigoureux dans la science qu'il utilise... même s'il n'échappe pas à quelques erreurs ou approximations. Utile pour les curieux ne possédant pas un minimum de bagage scientifique.
 
Pour conclure, comme avec Destination ténèbres l'année dernière (chez Denoël), remercions les éditions du Bélial' d'avoir enfin proposé au lectorat français cette pépite de science-fiction trop longtemps oubliée.

Genres / Mots-clés

Partager cet article

Qu'en pensez-vous ?

{{insert_module::18}}