Tout commence dans une petite ville parfaite des États-Unis dans les années 50. Une image idyllique de cette époque bien souvent fantasmée avec ses familles proprettes où les femmes toujours tirées à quatre épingles s’occupent de la maison et accueillent leur mari, important businessman, avec un rôti fumant sur la table et les enfants sages déjà au lit. Alice (Florence Pugh) et Jack (Harry Styles) vivent dans cette vision des années 50 poussées à l’extrême par un visionnaire de l’époque, le mystérieux Franck (Chris Pine), qui a créé autour de lui une communauté très sélective, visant à offrir la meilleure qualité de vie possible à ses habitants, une sécurité maximale et du travail pour les hommes qui participent à un projet secret mais qui révolutionnera le monde.
Le premier film d’Olivia Wilde en tant que réalisatrice (elle figure également au casting du film dans le rôle de Bunny, la meilleure amie d’Alice) est un thriller d’anticipation magistral qui joue sur les codes des années 50 et de l’idéalisation que l’on en fait aujourd’hui pour faire peur et faire réfléchir sur une société dystopique. Un mélange parfait dont on ne sort pas indemne. Voici trois raisons (garanties sans spoilers) d’aller vite voir Don't Worry Darling au cinéma ou de le visionner en streaming (disponible sur HBO aux États unis et probablement bientôt en France sur OCS).
Une tension digne des meilleures nouvelles de SF
Dès les premières scènes du film, on comprend que quelque chose cloche, que tout ne peut pas être si parfait. Notre cerveau contradictoire est une des causes de cette sensation bien sûr, mais la réalisation d’Olivia Wilde également. La réalisatrice ne prend pas de pincettes et se lance immédiatement dans l’histoire.
Jack et Alice sont chez leurs amis et voisins à boire et à rire aux éclats. Avant de rentrer, Jack est pris de l’envie folle d’aller faire un tour dans sa voiture avec Alice, qui affiche un sourire d’amour et de joie. Leur couple est parfait, ils s’aiment, s’épaulent, se chérissent l’un l’autre… Jusque là, le film a tout d’une histoire réaliste, d’un drame familial. Le lendemain matin, le couple se réveille comme tous leurs voisins et nous assistons à un ballet millimétré des maris qui sortent de la maison en même temps, prennent leur voiture décapotable lustrée pour se suivre à la chaîne direction leur lieu de travail. Rien que cette symétrie parfaite est dérangeante et l’on sent comme une menace qui plane au-dessus de ce monde.
Quelque chose ne va pas, mais quoi ? Tout est caché, mis sous silence. Le moindre accro disparait comme s’il n’avait jamais existé et tout le monde joue le jeu. Alice n’y voit d’abord aucun problème mais finit par douter, puis penser qu’elle devient folle. Sur quoi travaillent les hommes pour que toute la communauté doive être si parfaite, rangée et isolée du monde dans une bulle de luxe ?
Des acteurs et une photographie impeccables
En plus de son histoire qui challenge notre curiosité et nos peurs, il faut noter que Don't Worry Darling est également un film visuellement très beau qui nous fait rentrer dans l’univers de la réalisatrice (et pour ceux qui connaissent la fin, ce n’est évidemment pas anodin).
Les costumes de Florence Pugh en particulier reflètent à la fois un idéal des années 50 — de même que toutes les robes des autres femmes de la communauté de Franck, toutes jeunes, belles, minces, et souriantes — mais également son évolution, la descente aux enfers suite à la découverte qu’elle va faire.
En plus d’avoir choisi des acteurs de talent connus pour leurs jeux très expressifs (Florence Pugh dont on ne cesse de parler pour la scène finale de Midsommar par exemple), la réalisatrice utilise cela et nous propose des plans très esthétiques, aux lignes harmonieuses qui reflètent la symétrie et la perfection du monde dystopique qu’elle imagine. Lumière du désert, décoration vintage de goût, costumes, maisons parfaites tout droit sorties d’une boite playmobile.
Olivia Wilde prend soin de nous montrer l’intimité de ses personnages par ses choix de réalisation (des plans serrés sur certains personnages, ou au contraire plus larges pour montrer une réaction d’ensemble), mais aussi par les décors qui reflètent la vérité derrière cette communauté, c’est en tout cas ce que l’on remarque une fois que l’on connait le fin de mot de l’histoire.
Une fin intense qui ne vous laissera pas indemne
En tant que spectateur, on sait donc dès le début que quelque chose va se passer, mais la réalisatrice distille lentement les éléments qui font monter le suspens. Plus le film avance, plus on se pose de questions, jusqu’à un retournement de situation brutal et troublant, que l’on met quelques secondes à comprendre. Et enfin, une conclusion abrupte qui nous laisse sidérés sur notre siège, pas parce que certaines questions sont laissées sans réponses, au contraire, mais à cause de la dimension terrifiante des événements.
Êtes-vous déjà resté interdit, haletant, le souffle coupé par la fin d’un roman de SF qui vous a retourné le cerveau et horrifié ? Par un épisode bien tordu de Black Mirror ? C’est exactement ce que fait Don't Worry Darling. Son ambiance des années 50 nous entraîne comme la chanson fredonnée en boucle par Alice, jusqu’à l’impact de la vérité.
Aussi horrifiée que nous par la nature de cette communauté dans laquelle elle se retrouve enfermée, Alice tente de prévenir tout le monde, de s’enfuir… Mais elle se dirige peut-être vers un monde bien pire…
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Don't Worry Darling est un film coup de cœur et coup de poing qui nous montre une SF différente, loin des blockbusters pleins d’effets spéciaux et qui nous reste en tête longtemps après la fin de la séance. Un grand film qui permet à Olivia Wilde de prouver ses talents de réalisatrice, et aux acteurs, de réaffirmer leur place dans la nouvelle génération d’Hollywood.
Don't Worry Darling vous prendra aux tripes et vous n’aurez envie que d’une chose : retourner le voir pour déceler les indices de la fin qui se trouvaient sous notre nez depuis le début. Courez le voir avant qu’il ne soit plus au cinéma !