Cela arrive, c’est rare, pas autant qu’on le croirait... Parfois, de grands noms de la littérature se mettent à la science-fiction. Et un grand nom, Jean-Christophe Rufin en est un, assurément. Président d’Action contre la faim, il a publié son premier roman L’Abyssin en 1997 à 45 ans, obtenant le prix Goncourt du premier roman puis le prix Goncourt tout court pour Rouge Brésil en 2001. Trois ans plus tard, le revoilà avec Globalia, petit pavé futuriste mollement accueilli par la critique et qui est réédité aujourd’hui.
Globalia, société idéale !
Enfermés sous d’immenses globes de verres, les citoyens de Globalia ont tout pour être heureux. Une météo idéale, un système de santé irréprochable, des élections permanentes, des activités à foison... La vie est une succession de fêtes et d’activités épanouissantes. Un éternel présent où le futur est une promesse et le passé de vagues souvenirs. Mais ce système sort par les yeux de Baïkal. Jeune, beau et rebelle, lui rêve d’un ailleurs, d’une vie moins aseptisée. Tout en lui le désigne comme un excellent candidat pour devenir l’Ennemi. Le Grand chef de Globalia, Altman, lui demande d’organiser une sorte de rébellion contre sa société idéale depuis les zones extérieures où vit la fange de l’humanité. Objectif : en faire la cible de la haine des Globaliens et leur éviter de se poser trop de questions, détourner leur attention des véritables problèmes. Et si Baïkal refuse, Altman a déjà tout prévu : une expulsion de force et une séparation avec Kate, son grand amour...
Théorie du complot
Il y a beaucoup à dire sur ce roman et pas grand chose. Pas grand chose parce que quoiqu’on en dise, on terminera par « Globalia est un livre agréable à lire mais indéniablement vide pour 497 pages ». Et en même temps on ne peut pas s’en tenir qu'à ça. Evoquons d’abord Le point positif du livre : le style. Jean-Christophe Rufin a eu le Goncourt et ce n’est pas un hasard. L’auteur de Rouge Brésil a une plume assez fantastique, dans la lignée du « bien écrit » qui ne se voit pas. Pas de grandes phrases ou d’envolées lyriques. Non. Juste un style qui vous enrobe, vous englobe pour mieux vous porter dans le récit. On s’y sent bien dans ces pages. Malheureusement, il y a aussi le reste avec deux points noirs.
D’abord, celui du choix du sujet. Sans doute sans le savoir, Jean-Christophe Rufin a mis les pieds dans un domaine que les auteurs de science-fiction ont maintes fois exploré. Imaginer une société parfaite dans le futur pour mieux dénoncer les dérives de notre présent, cela devrait vous rappeler quelque chose. Ce n’est pas une tare en soit. La politique fiction est malheureusement en recul depuis quelques années. Et c’est bien dommage. Malheureusement au fil des lectures et les années passant, de nombreux lecteurs de SF sont devenus exigeants. Et dans son aspect « mise en garde », Globalia manque de force et de percussion. Il est loin d’égaler ou de nous prendre aux tripes comme l’ont fait des Demain une oasis ou Tous à Zanzibar... En l’absence de grands drames, on a un peu de mal à accrocher à l’histoire. C’est connu, Orson Scott Card avait dit : « seuls les grands drames font de grandes histoires » (ou quelque chose d’approchant). L’inverse se vérifie ici. Un peu comme si en cherchant à construire sa société idéale pour mieux la dénoncer, Jean-Christophe Rufin avait un peu oublié son histoire en cours de route. C’est le deuxième défaut du roman... Il ne s’y passe finalement pas grand chose.
En dehors de la présentation de Globalia par petites touches, son scénario est bien maigre. En fait la grande rébellion de Baïkal ne vient jamais. A aucun moment Globalia vacille... A aucun moment il ne devient le leader espéré, ni même ne traverse de difficiles épreuves. Malgré sa soif de vivre, Baïkal reste un citadin à peine dégrossi plongé dans un monde qu’il ne connaît pas, celui des pouilleux et des misérables. Et jamais il ne surnage pour prendre véritablement sa destinée en mains. D’ailleurs il n’a aucune haine en lui. Et sans haine, comment pourrait-il se révolter ? Et nous, à aucun moment nous ne nous passionnons... Dommage, mille fois dommage. Il y avait sans doute bien mieux à faire avec une telle plume et une idée pas inintéressante. Globalia ? Un livre agréable à lire mais indéniablement vide pour 497 pages.