Joe Hill fait dans le trash, et le fait bien. Les quidams qu’Ig croise lui font tous, sans exception, des confessions plus crades les unes que les autres. De la simple mère de famille au prêtre du coin, Ig sert de confesseur qu’il le veuille ou non. Le pire, évidemment, c’est lorsqu’il rend visite à ses proches. Tous souhaitent sa mort et ne se remettent pas de l’opprobre qu’il a jeté sur la famille. Malheureusement, Ignatius cuvait dans sa voiture la nuit où Merrin se faisait violer et étrangler, sans aucun témoin pour confirmer ses dires… Et puis, soudainement, le pouvoir des cornes fait parler son frère, Derrick, une vedette du petit écran. Ce dernier aurait été présent lors de la nuit du meurtre…
Mine de rien, toutes ces situations où Ig endure les révélations de ses proches et connaissances sont un vrai plaisir de lecture. Comme dit précédemment, Joe Hill va loin et nous livre des vrais petits bijoux d’humour noir. Le pauvre Ig entend ainsi des véritables horreurs de la bouche de sa grand-mère, et c’est tellement énorme que ça en devient drôle… surtout quand le héros arrive à tirer parti de son pouvoir. Il est en fait capable d’influencer le pêcheur, et arrive ainsi à suggérer à une bonne sœur de partir vivre sa vie, ou encore mieux, à suggérer à deux grosses brutes de flics de se laisser aller à fricoter ensemble…
Ignatius ne cessera de découvrir de nouveaux pouvoirs tout au long du livre… Mais évidemment, l’intérêt premier de sa nouvelle condition réside dans la découverte du meurtrier de Merrin. Même si le point de départ du livre est le fantastique, Cornes va peu à peu se changer en drame aux allures de thriller…
Diablement trop long !
Voici la seule comparaison objective que je m’autoriserai ici : comme Stephen King, Joe Hill a le don de rendre vivants ses personnages. Grâce à de nombreux flashbacks ou petites anecdotes sur leurs vies, les personnages de Cornes deviennent crédibles et très attachants. Ainsi, une grande partie de l’ouvrage est consacrée à la relation entre Merrin et Ig, avec la très belle scène de leur rencontre dans une église : la virginale adolescente passe son temps à renvoyer les rayons du soleil sur Ig, avec sa croix, pour l’éblouir. Jusqu’à la toute fin de l’ouvrage, Joe Hill alterne des moments du présent d’Ig avec des souvenirs de moments passés avec elle, faisant ainsi du récit de son meurtre un point d’orgue de l’histoire… Sauf que l’on connaît très rapidement l’identité du meurtrier, quasiment à la moitié du roman. Malheureusement, l’ennui va rapidement nous gagner après cette révélation.
On a vraiment l’impression d’être dans un drame tant Joe Hill ne cesse de remonter le temps, au lieu de faire avancer son intrigue principale. Ainsi, Ig erre, se cache, et comme son auteur, probablement, ne sait pas trop quoi faire. Il ne se jette pas sur le meurtrier pour se venger. Il attend qu’il vienne le chercher ! Alors certes, les récits de vie des personnages se lisent très bien. Le récit se teinte de nostalgie en mettant en lumière les liens d’amitié des personnages quand ils étaient enfants – comme dans Ça, ah flûte, j’ai encore fait une comparaison ! - et l’on découvre le triangle amoureux avec Ig, son meilleur ami et Merrin au milieu, mais on s’ennuie. Ignatius a des cornes et les pouvoirs du diable, mais reste bien sage. Hormis sa découverte du début, Ig aurait bien pu être un humain normal, ça n’aurait pas tant que ça modifié le récit…
Joe Hill a quand même un point de vue intéressant sur Dieu et le Diable. Il part du principe que les deux sont du même bord, le premier guidant les bons éléments, et le second s’occupant de faire fauter les mauvais, pour s’en débarrasser. Peut-être est-ce pour cela qu’Ig n’est ni bon, ni mauvais. Le plus diabolique dans l’affaire restant le meurtrier de Merrin…
Cornes a donc un très bon point de départ et des personnages très intéressants, mais la magie ne prend pas… Joe Hill a trop soigné le passé de ses protagonistes, au détriment de l’intrigue principale, faisant des cornes d’Ig une anecdote, étirée sur plus de cinq cents pages… Quand on voit l’humour noir dont l’auteur est capable et sa faculté à immerger facilement le lecteur, c’est un véritable gâchis.
Peut-être que l’adaptation cinématographique rajoutera un peu de piment et d’action à l’intrigue de départ. C’est Daniel Radcliffe qui tient le rôle principal – Harry Potter avec des cornes ! – et le réalisateur n’est autre qu’Alexandre Aja… Alléchant, donc, mais il nous faudra patienter un petit bout de temps. Aucune date de sortie n’est annoncée, le long-métrage ayant juste fait quelques festivals outre-Atlantique. Affaire à suivre !