Persée et la Gorgone Méduse
Luc Ferry, né en 1951, est un essayiste français, ancien professeur de philosophie et ancien ministre de la Jeunesse, de l’Éducation nationale et de la Recherche. Avec la collection La sagesse des mythes, il permet aux jeunes lecteurs de découvrir la mythologie grecque.
Née en 1987, Clotilde Bruneau est passionnée d’art et de littérature. Étudiante, elle entre à l’atelier de Sèvres, puis à l’ESA de Rueil Malmaison où elle continue sa pratique de la photographie et découvre l’art vidéo. Après son diplôme d’arts plastiques, elle étudie le cinéma et travaille en tant que scénographe pour des courts métrages. Elle intègre ensuite le studio Elyum comme scénariste en travaillant, entre autre, sur la série Le Petit Prince. Elle commence l’année suivante à travailler la collection "Ils ont fait l’Histoire" et continue aujourd’hui sa collaboration avec Glénat sur de nouveaux projets.
A la découverte de Danaé, de Persée, de Méduse, d'Andromède
L'intégralité du mythe de Persée, avec ses différentes étapes, est présente dans cette BD : l'oracle d'Acrisios, sa mère Danaé emprisonnée, sa conception divine grâce à une pluie d'or... puis ils sont jetés à la mer, recueillis par Dictys et mis en danger par Polydectès roi de l'île.
La suite est la plus connue : Persée s'engage à ramener la tête de la Gorgone Méduse ; il est aidé par Hermès et Athéna pour accomplir son périple qui le mène chez les nymphes et les Grées avant d'affronter Méduse et les deux autres Gorgones. Il vainc Méduse par la ruse puisque c'est Athéna qui l'aide. A son retour, il passe par hasard par le royaume du roi Céphée... et en profite pour sauver sa fille Andromède du monstre marin envoyé par les dieux, puis pour l'épouser.
C'est donc en vainqueur de Méduse et accompagné d'une ravissante épouse de sang royal que Persée rentre chez lui sauver sa mère des griffes de Polydectès. Il se débarrasse de celui-ci et de toute sa cour en exhibant simplement la tête coupée de Méduse, avant de faire cadeau de celle-ci à sa protectrice Athéna. Il accomplit ensuite, bien malgré lui, la prophétie qui veut qu'il tue son grand-père : la boucle est bouclée, justice a été obtenue pour Danaé, le mythe se finit bien.
De la violence
La première chose qui frappe quand on découvre cette BD, c'est la violence. Le mythe lui-même est violent, avec des meurtres, des emprisonnements, des combats, des corps découpés, et la BD restitue cette violence sans retenue, notamment sur la couverture où on voit la tête coupée de Méduse. Si on y ajoute la scène sexuelle et toutes les scènes dénudées, cela donne une BD qui ne s'adresse pas à de trop jeunes enfants.
De la culture générale
Par contre cet album est excellent pour faire travailler la mythologie aux adolescents.
Pour leur culture générale, ils pourront chercher ce qu'Athéna va faire de la tête de Méduse. Ils pourront aussi faire des recherches sur le mythe classique de Persée, loin de ce qu'ils peuvent voir dans certains films hollywoodiens.
Et ils peuvent comparer les oracles dans ce mythe et dans celui d'Oedipe : une prédiction effrayante, des tentatives radicales pour y échapper, la fatalité qui les rattrape, et l'accomplissement de la prophétie justement à cause de ce qu'on fait pour y échapper. Il y a un questionnement très philosophique à développer ici.
Un dossier documentaire sur la mort
Le dossier qui accompagne la BD aborde la problématique de Méduse : peut-on, doit-on regarder la mort en face ?
On a de beaux tableaux du Caravage, de Rubens, de Titien, de Gustave Doré ; et on a un questionnement philosophique qui nous fait prendre conscience que Méduse symbolise la Mort et que lorsqu'on la regarde en face, on est "pétrifié", au sens figuré. Freud recommande d'ailleurs de ne pas penser à la mort, parce que cette pensée est pathologique et encombre l'esprit humain. Le bouddhisme aussi professe que la mort et inévitable et qu'il faut s'habituer à cette idée.
On a aussi l'idée que Méduse personnifie l'altérité, la monstruosité ; elle brouille toutes les catégories, vieille/jeune, masculine/féminine, humaine/animale, mortelle/immortelle. Bref, un beau dossier bien documenté.
Cette BD est donc une réussite, malgré des dessins parfois trop saisissants.