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La Goule

Christophe Merlin (Dessinateur, Coloriste), Agathe de La Boulaye (Scénariste)
Langue d'origine : Français
Aux éditions : Collection :
Date de parution : 28/02/2005  -  bd
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La Goule

Agathe de la Boulaye est une artiste touche-à-tout, comédienne, cinéaste et aujourd’hui scénariste de bande dessinée. Elle collabore pour ce premier récit avec un dessinateur de talent Christophe Merlin. Ce dernier a illustré nombre de livres jeunesse notamment chez Syros et Nathan, tout en travaillant également pour Bayard Presse. Pour un premier album aussi singulier que décalé, tous deux ont l’honneur de l’excellente collection Un Monde de Casterman.

« Goule : n.f. démon femelle qui dévore les cadavres dans les cimetières. »

Max, un tueur à gages, se rend, au volant de sa décapotable à Montcoeur, un petit village au fin fond de la France. L’ambiance est lourde, et la chaleur de cette journée d’été n’est pas la seule responsable. Les hommes du village sont clairs, il faut tuer le monstre, l’abomination qui vit dans le cimetière, celle Goule qui se nourrit du cœur des morts. Au bord de l’hystérie collective, ils sont pourtant d’une lâcheté sans borne et n’osent aller affronter eux-mêmes le « monstre ». Seule une jeune fille demande à Max d’épargner la Goule dont le cœur saigne d’avoir trop aimé.

Une œuvre singulière et troublante à réserver aux amateurs de curiosités graphiques

Quel album étrange et envoûtant ! L’intrigue de La Goule est difficile à résumer, la trame de l’histoire est simple mais les symboles et les métaphores sont forts et complexes. L’on pense d’ailleurs presque instinctivement au Prosopopus de Nicolas de Crécy, bien que le dessin soit différent, le personnage de la Goule avec son amas de chair blanche et grasse semble un écho féminin de l’être né de sang, de fumée et de sperme qu’est le Prosopopus. L’amour et la mort, Eros et Thanatos se heurtent de la même façon dans cet album aux tonalités fantastiques. De même, sous des apparences faussement réalistes les auteurs livrent un conte cruel et noir aux couleurs pourtant éclatantes.

En effet, les dessins de Merlin sont plus proches de tableaux que de véritables cases de bande dessinée. Son crayon se fait pinceau et l’explosion de couleurs chaudes rompt avec la traditionnelle sobriété dans les couleurs et la noirceur habituelle des récits fantastiques. D’ailleurs La Goule inverse beaucoup de processus. Violemment érotique, elle est le désir animal incarné et non maîtrisé, la pulsion de vie brute obligée de se satisfaire du cœur des morts, de se transformer en un être nécrophage afin de cacher ce qui fait peur aux hommes castrateurs et misogynes du village qui refusent le plaisir de la femme. Véritable déesse de la fertilité et de l’amour contrarié, elle devient la victime des hommes qui sont plus fous que les fous eux-mêmes. Dans leur haine qui frise l’hystérie, ils veulent tuer, encore et encore, détruire cette créature qu’ils ne peuvent comprendre et qui les terrifie. C’est elle qui dans le récit fait preuve de plus d’humanité que les villageois, c’est vers elle que va notre pitié. D’une douceur infinie cette Goule aux formes généreuses et rondes n’attend qu’une chose voir son cœur se réchauffer dans l’amour qu’elle porte à un mort, Igor. Elle se niche dans le ventre symbolique de cet homme, dans le cercueil de pierre en forme de bateau où il repose. Inversion des valeurs, elle se recroqueville dans une matrice masculine. Tout l’album a cette force et cette poésie qui oscille entre douceur et violence, érotisme et pornographie, masculin et féminin, amour et désir pulsionnel. Mais faut-il réellement les opposer ?

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