Deuxième édition pour le premier roman d'Eric Holstein, co-responsable de ce site et ancien chef de la rubrique SF. La première édition était sortie chez Mnémos en 2009. C’est en tant qu’animateur radio qu’Eric Holstein a débuté et a développé son bagout, qu’il transmet maintenant à l’écrit. Il a publié plusieurs nouvelles avant d’écrire ce premier roman.
Trois vampires décalés
Eugène – voleur parigot de son état et narrateur à la langue bien pendue –, Grâce – garce vivant aux crochets des millionnaires qu'elle séduit – et Slawomir – vieux clodo fantasque établi sous le pont de Sully pour qui l'univers est une immense giclée d'éther – sont des vampires psychiques. Ils sont nés comme ça et ont été réveillés, on n’y peut rien. Dotés de facultés sensorielles et physiques hors du commun, ils se nourrissent régulièrement d'émotions et de sensations humaines. Ils nous ressemblent pourtant furieusement en ce qui concerne les menus problèmes de la vie, le rapport à autrui ou les difficultés de positionnement social. Même si leur longévité approche l’éternité, ils se demandent un peu ce qu'ils font ici-bas et s'éclatent comme ils peuvent, discrètement. Mais c'est ainsi qu'ils déclenchent un lourd règlement de comptes, non résolu à travers les siècles, avec une secte hindoue envieuse, chasseuse de vampires.
Balade capitale et gouaille parisienne
En vrai parigot, Eric Holstein nous fait découvrir sa ville, nous trimballant pour une course poursuite initiatique aux quatre coins de Paris : des lofts néo-bobos de Belleville aux maisons bourgeoises chics du XVIe, des bars de Pigalle à la Société sportive du Jeu de Paume et de Racquets de l’Avenue Victor Hugo. On apprécie la balade urbaine, d’autant qu’elle est enrichie par une jolie rhétorique sur l’évolution sociale de la capitale sur une bonne partie du XXe siècle.
Mais plus encore, c'est le style et la richesse de l'écriture d’Holstein qui méritent le détour. L'auteur maîtrise à la perfection l'argot parisien des années 70-80 ainsi que la peinture de tous les siècles. Cette tchatche déchaînée, haute en couleurs, donne à ce bouquin une dynamique euphorisante et l'on se prend souvent à sourire ou carrément rigoler au détour d'une expression imagée, d’une baston vampirique ou d'une situation parisienne inextricable.
Au bout du roman reste un mot : encore !